Boobs, érotisme et gros pistolets : vers une hypersexualisation du steampunk ?

Lady Clankington

Il vous est peut être arrivé ces derniers temps de lire ou participer sur les réseaux sociaux à des conversations légèrement polémiques. Vous avez sans doute aussi entendu débattre de la pertinence de la venue de Kato au festival Geekopolis . Enfin, vous avez surement déjà vu passer ici et là des illustrations et photos que certains auraient pu trouver choquantes. Face au flot incessant de photos et images de jeunes femmes sexy, en robes affriolantes et corsets, boobs en valeurs, trois comportements : certains trouvent cela superficiel et s’en foutent, d’autres pensent ainsi découvrir le steampunk et cliquent sur « j’aime », d’autres enfin s’offusquent. Plus que jamais, aujourd’hui, la communauté s’interroge sur le bien fondé d’une certaine approche du steampunk, celle de l’érotisme et l’hypersexualisation du mouvement.

Quelques exemples de la banalisation du sexe dans le monde du steampunk

Le steampunk n’ayant ni définition ni frontière, on voit ces dernières années poindre de nouvelles formes d’expressions. Tout d’abord, des photos de charme glissant peu à peu vers l’érotisme. On citera par exemple la créatrice américaine Kato : Connu pour son site Steampunk Couture et ses photos en tant que modèle, elle a aussi développé le site web Steam-girls rassemble les photos osées d’un collectif de jeunes femmes plantureuses plus ou moins habillées de manière victorienne. On notera par exemple la présence de Céline Tran (française plus connue sous le pseudonyme de Katsuni) dans ce projet aussi intéressant qu’intéressé. Et oui ! On se dénude mais on ne perd pas le nord : l’accès au site est payant. Certaines et certains trouveront -soyons en certains- deux raisons d’être choqués : marchandisation du corps de la femme, marchandisation du steampunk. Mais nous n’entrerons pas dans ces débats houleux.
Continuons la visite et jetons un regard sur le travail de Sarah Hunter, que les steamers connaissent notamment pour son Cabinet des curiosités charnelles de Lady Clankington. Il s’agit ni plus ni moins d’une boutique en ligne de vibromasseurs steampunk. L’image en haut de cet article nous questionne : Ces vibromasseurs sont ils conçus pour le plaisir des femmes ou bien pour éveiller le désir des hommes ? En tout cas, si ces objets existent, c’est bien parce que certains en voient l’utilité. Quatre possibilités : 1) on en pleure,  2) on en rit, 3) on s’en fout ou bien 4) on sort sa mastercard et on l’achète.

Mais ce qui semblait être une diffusion de l’érotisme dans le steampunk est peut être en réalité une propagation du steampunk dans la sexualité. Cette thèse, je n’y croit personnellement pas, mais on peut tout de même noter l’existence d’un Guide sexuel steampunk sorti en 2012. Un crowfunding a été mis en place pour la publication de cet ouvrage ; l’objectif des 2200$ a finalement atteint les 14500$ ! Vous noterez aussi l’inexplicable présence d’Alan Moore parmi les co-auteurs de cet étrange ouvrage.

Gatsby Online - Steampunk sex - Lady Clankington

Bref, il y aurait « une ou des sexualités steampunk ». C’est du moins l’avis d’un certain Gatsby Online dans son article intitulé « Steampunk, fétichisme et BDSM ». Etant donné le caractère pornographique de certaines photos, ne cliquez pas sans réfléchir sur le lien menant à ce site-web. Sachez simplement que son auteur émet l’affirmation loufoque que la sexualité steampunk s’est développée dans le cadre du festival Burning Man mais aurait été chassées dans les années 2000 par l’arrivée massive d’hippies… Malgré toutes ces fadaises, il faut reconnaître que l’on peut maintenant trouver de la pornographie steampunk. Le lien entre ce mouvement rétro-futuriste et la sexe va donc très loin (en profondeur, si je puis dire).

Erotisme et sensualité dans les communautés steampunk et cosplay

Kato - SteamGirls.com

Les quelques exemples relevés plus haut ne vous concernent peut être pas, chers lecteurs. Néanmoins, nous sommes tous amenés à voir sur les réseaux sociaux défiler des centaines de photos de modèles amatrices et professionnelles en corsets et serre-tailles, aux poitrines arrogantes et aux positions lascives, sensuelles voire suggestives. Mais si on réfléchit bien à cette hypersexualisation du steampunk, on peut voir que cela ne concerne pas que les femmes : cette manie qu’ont les steamers de se parer de nerfs customisés et d’autres fusils et lance-roquettes factices n’est elle pas une représentation phallique ? Et ces florilèges de tenues militaires ne sont-ils pas eux aussi l’expression d’un phantasme, une mise en scène digne d’un jeu de rôle érotique ? Le simple fait de porter une simple petite moustache pourrait lui aussi être interprété comme un symbole rétro de virilité. Si comme Sigmund Freud le dit, tout est sexuel, alors oui : le steampunk est sexualisé, et s’habiller steampunk est une démarche sexuelle. Et alors : où est le problème ?

Revendiquons le droit d’être et de produire comme on le souhaite

steampunk gun

Si la communauté steam prend le temps de chiner des vêtements et confectionner des costumes, c’est parce que chacun a le droit d’être comme il le souhaite. Même si certains prétendent que le steampunk est un mode de vie au quotidien, il est malaisé pour une femme de marcher seule dans la rue la nuit, en robe et corset moulant. Si une femme pose pour un shooting de charme, ça n’est pas par narcissisme ni par légèreté de moeurs. Si un photographe met en scène des modèles dans des positions sensuelles, ça n’est pas pour se les taper. Si un illustrateur dessine une pin-up sexy, ça n’est pas par frustration sexuelle. S’ils font ça, c’est uniquement parce qu’ils ont besoin de s’exprimer comme ils le veulent, sans tabou, dans une démarche artistique et cathartique. Si sur l’espace public, il est de plus en plus compliqué de s’exprimer et de s’habiller comme on l’entend, le steampunk est un terrain liberté, de création et de jeux où l’on peut encore être qui l’on veut être et faire ce que l’on veut faire. La sensualité, l’érotisme, et même la pornographie sont des voies d’expression que le steampunk autorise. Il serait bien dommage de censurer cet espace de liberté. 

Quelques précautions néanmoins

Il est évident cependant de ne pas tout accepter. Quelques règles devraient être appliquées pour éviter certaines dérives néfastes :

1- Respecter sans juger
La première précautions à avoir est tout simplement le respect. On parle bien évidemment du respect de la femme, mais pas uniquement. Il s’agit avant tout de ne pas juger. Lorsqu’un photographe ou un modèle partage les photos d’un shooting, on est en droit de ne pas l’apprécier, mais on ne peut en aucune manière intenter un procès moral à ces artistes qui ne font qu’exprimer leurs passions. C’est une des dérives des réseaux sociaux qui nous fait croire que l’on peut avoir un avis sur tout. L’érotisme n’est pas un mal, et le corps de la femme n’est fait ni pour être caché, ni pour être vendu comme une publicité. Adieu donc les « tu n’as pas honte ?! » et autres discours de la vague réactionnaire ; Adieu aussi les « T’es trop sexy, je t’envoie mon 06 par MP ».

2- les enfants, tu devras protéger
Une autre précaution essentielle, c’est aussi la protection des mineur(e)s. Le steampunk intéresse de plus en plus les adolescents, c’est un fait. Et les jeunes personnes sont de plus en plus nombreuses lors des conventions/salons/festivals à s’habiller steampunk. Il va de soit qu’elles prennent pour exemples leurs aînées. Le développement du cosplay aussi engendre ce danger : des jeunes filles mineures en tenue sexy. Les photographes, même amateurs, sont responsables de la diffusion des images de leurs modèles. Nous conseillons donc de prendre des précautions et s’assurer que ces modèles sont bien majeures. Il est bon je pense de rappeler que des mineures avec des corps de femmes restent néanmoins des mineures, et doivent dont être protégées en tant que telles.

3- Modérément partager pour d’avantage apprécier
Enfin, le problème concernant principalement les réseaux sociaux, il est important que les internautes comprennent que si publier des photos et des illustrations est un geste artistique, les partager ou les liker ne l’est pas. Derrière la photo d’une jolie fille et de son corsage sensuel, il y a l’histoire d’un personnage, la création d’un costume, la mise en scène dans un décors, l’oeil du photographe, etc. Mais diffuser purement et simplement des images de boobs sans y apporter aucune plus-value, c’est dénaturer l’oeuvre et participer à la banalisation d’un érotisme froid, ordinaire et placide. Ne « partagez » donc pas à tout-va dans un flood incessant, et prenez le temps d’apprécier le travail sensuel des artistes : l’érotisme se déguste par petites bouchées.

Conclusion :

Si l’hypersexualisation du mouvement steampunk est de plus en plus prégnante, il est important de revendiquer le droit de chacun à une expression artistique sans limite ainsi que le droit d’être respecté et non-jugé sur la façon dont on s’habille et se déshabille. Si la banalisation du sexe dans le steampunk est un danger lorsqu’il utilise les canaux du matraquage médiatique, de la banalisation et du racolage consumériste (bref, tout le contraire de l’esprit steampunk), on doit tout de même réaffirmer l’importance, l’utilité et la nécessité d’un érotisme sans tabou. Pour l’accomplissement des désirs de chacun et le plaisir des autres.

Note personnelle de Lord Orkan von Deck :

 » L’idée d’écrire cette tribune m’a semblé nécessaire et utile lorsque j’ai vu mon mur facebook rempli de conversations assez polémiques sur le sujet. Le titre de l’article est assez racoleur, je l’admet, mais il est néanmoins lucide : les réseaux sociaux et le monde du steampunk mettent de plus en plus en exergue de jolies filles aux poitrines arrogantes et aux positions suggestives. Cela fait longtemps que je désespère de voir notre mouvement phagocyté par ce que j’ai tendance à considérer comme de la superficialité. Le rétrofuturisme vaut bien mieux que çà et receèle de richesses insoupçonnées que l’on trouve difficilement dans les mamelles. Même celles des plus belles créatures de ce monde. Pourtant, un jour, j’ai été forcé de reconnaître que j’avais eu un comportement sexiste. J’avais par trop de fois fait des remarques sur le ton de l’humour au sujet du décolleté formé par le corset d’une amie. Sa réponse « je ne suis pas une paire de boobs sur pattes ! » était particulièrement pertinente : cette amie est tellement pleine de ressources qu’il était stupide de s’arrêter à ces considérations machistes et superficielles. Je me suis honteusement excusé, et j’espère en écrivant aujourd’hui cet article me racheter. «