Le Château des Etoiles, T.4 et T.5 – Alex Alice

Bertrand Campeis, que vous connaissez sûrement pour son guide de l’uchronie (co-écrit avec Karine Gobled) est avant tout un rêveur passionné par l’infinité des possibles, dans le passé comme dans le futur. Alors que Lord Orkan von Deck avait donné son avis sur le premier tome du Château des étoiles d’Alex Alice (composé, rappelons-le, de 3 gazettes magnifiquement ouvragées), le spécialiste français de l’uchronie partage avec French Steampunk son avis et son sentiment sur les deux premières gazettes de cette seconde saison : Les naufragés du ciel & Les secrets de la face cachée

                   Après une première saison réussi, qui oscille entre l’ode à Miyazaki et Jules Verne, Alex Alice nous propulse là où nul n’est allé en ce milieu du XIXème siècle… Dans l’espace ! Histoire d’une uchronie cosmologique, d’un steampunk flamboyant et d’une aventure vernienne, cette seconde partie tient toutes ses promesses et permet, à travers sa publication en gazettes, de renouer avec l’esprit des feuilletons du XIXème siècle (ou plus proche de nous des prépublications en magazines.) Pour le rédacteur de ces lignes, nul doute qu’il y aura un avant et un après Le château des étoiles, beauté des décors, personnages bien conçus et attachants, rythme de l’histoire et phrases chocs. Celle du Prince Louis II de Bavière résonne encore dans l’esprit du lecteur. En voilà un petit extrait* :

« – Qui a bien pu vous mettre en tête que les contes de fées n’ont aucun sens ? […] un homme de sa qualité ne devrait pas ignorer la puissance des mythes. Les contes disent toujours la vérité !
– Mais Majesté… Les fées, les dragons… Tout ça, ça n’existe pas !

 – Croyez-vous ? N’avez-vous jamais eu peur du noir ? Craint la solitude ? la douleur, le rejet ? L’échec ? LA MORT ? Voyez-vous, la vérité que nous enseignent les mythes n’est pas que les dragons EXISTENT… Mais qu’ils peuvent être VAINCUS. Montrez-moi un homme qui a su triompher de ses peurs… Je vous montrerai un TUEUR DE DRAGONS ! »

Alex Alice réussit un parcours sans faute qui fait que vous êtes au moins trois personnes à lire les aventures de nos héros : l’enfant qui sommeille en vous, l’amateur de beaux dessins, et le rêveur d’une uchronie cosmologique, d’un univers différent (ici concrétisé par l’existence de l’éther qui permet les voyages dans l’espace, vide intersidéral hostile à toute forme de vie.) Si cette autre conquête ne se fera pas sans heurts, sans pertes, sans drames, elle recèle aussi sa parti de beauté, de geste flamboyante, et d’horizon à dépasser. Au bout de deux gazettes parues sur trois, l’auteur nous enchante toujours, y compris avec une partie plus calme mais ô combien riche en informations… Ne reste plus au Cygne qu’à revenir sur sa planète d’origine, résoudre la crise qui secoue le Royaume de Bavière, contrecarrer les plans machiavéliques de Bismarck et ouvrir la porte des étoiles, car qui ira conquérir quelques arpents de terre quand le vaste univers est à portée de main ? Quel pays ne se lancera pas à l’assaut de planètes lointaines de notre système solaire ? Cet autre monde ne manque guère de charmes, il ne tient qu’à vous de les découvrir.

Derrière le conte, l’autre Histoire, il y a l’aventure, il y a des idées que nous avons toutes et tous entendu depuis notre enfance : la force de l’amitié, le rêve, la volonté d’y croire… Derrière l’oeuvre, il y a un homme, qui dessine, peint et met en scène une autre Histoire, qui joue avec les mythes tels que le définissait Joseph Campbell, le Héros aux milles visages, mais aussi, et surtout, la puissance du mythe comme construction à la fois personnelle et universelle. Qui d’entre nous n’a pas vibré en regardant les pas de Neil Armstrong sur la Lune ? (Et qu’importe que la fameuse phrase prononcée ait été créée par un Think-tank pour plaire au plus grand nombre), qui n’a pas tremblé en regardant Apollo XIII ou Gravity ? Rêvé en regardant 2001, l’odyssée de l’espace ou Interstellar? En revisitant la course spatiale, Alex Alice nous pousse à renouer avec nos rêves d’enfant, à pousser la porte, à partir à l’aventure, à tuer le Dragon qui nous empêche de nous accomplir pleinement. Soyez(f)(v)ous.

Titre original : Le Château des Étoiles : « Rêveur, tue le dragon » par Bertrand Campeis

Ecrit par Bertrand CAMPEIS, Pour French Steampunk

* ndlr : extrait issu de la première saison