Quand le rétro-futurisme se passe de vapeur
French Steampunk explore aussi les marges du genre. Avec Cyborgs, série écrite par Jean-Luc Istin et publiée chez Soleil, on plonge dans un univers cyberpunk tendu, ultra-technologique et politiquement chargé.
Pas d’esthétique victorienne ici, mais un thème central partagé avec le steampunk, la maîtrise technologique comme instrument de pouvoir et de fracture sociale.
Jean-Luc Istin : un architecte du récit spéculatif
Scénariste prolifique, Jean-Luc Istin est connu pour ses univers riches et ses cycles narratifs à grande échelle (Les Druides, Le Sang du dragon, Les Maîtres Inquisiteurs).
Avec Cyborgs, il change de registre et opte pour une anticipation techno-politique. Le monde qu’il met en scène est froid, vertical, mécanisé. Il ne crée pas un héros, mais une mosaïque de parcours augmentés, chacun révélateur d’un système à bout de souffle.
Son approche scénaristique repose sur :
- Une intrigue à plusieurs voix (1 personnage par tome)
- Des arcs parallèles connectés par un enjeu central : la réappropriation du corps
- Une tension permanente entre idéal personnel et contrôle institutionnel
Une équipe graphique internationale au service de l’immersion
Tome 1 : Ronin – par Jean-Luc Istin, Kael Ngu, Florent Daniel
Le premier volume bénéficie d’une direction artistique percutante.
Kael Ngu (dessins concept et couverture) impose une ligne claire ultra-dynamique, influencée par le comics US et le manga cyberpunk.
Dim. D. et Valentina Pinti assurent l’illustration intérieure, avec un découpage nerveux, un trait précis et des ambiances nocturnes. Les corps sont crispés, les implants visibles, les rues oppressantes.
Résultat : une esthétique néo-futuriste aux accents de Ghost in the Shell, baignée de tons bleu acide, béton et acier brut.
Tome 2 : Steel – par Jean-Luc Istin, Valentina Pinti et J. Nanjan
Le deuxième tome garde cette veine graphique, mais introduit une touche plus dramatique. Valentina Pinti reste fidèle au design initial tout en affinant les décors intérieurs, notamment les installations médicales et les quartiers militarisés. Nanjan Jamberi, coloriste reconnu (Marvel, Valiant), donne à l’ensemble une texture plus contrastée, soulignant la dualité entre corps reconstruit et esprit en ruine.
Chaque planche devient un écran de surveillance. Chaque visage un masque technologique.
Corps, implants, résistance : récit politique sous exosquelette
Le pitch ? Russel, hacker de la mécanique biologique, équipe les exclus avec des implants illégaux. Ces « cyborgs » deviennent des parias traqués par les Trakeurs, une police d’élite sous influence corporatiste.
Tome 1 : Yuko, samouraï augmentée
Yuko, enfant née sans bras, survit grâce à son maître Akira.
Avec les implants de Russel, elle devient une guerrière. Mais la société ne tolère pas l’irrégularité. Elle doit fuir, combattre, survivre.
Un arc brutal, direct, sans concession.
Tome 2 : Steel, héritière déchue
Fille du chef des Trakeurs, Steel est victime d’un attentat. Son père décide de la greffer illégalement pour la sauver, brisant ses propres dogmes.
Résultat : elle devient l’ennemie de son propre clan.
Traumatisée, fragmentée, mais lucide.
Pourquoi Cyborgs a sa place dans Hors-Cadre
Parce qu’elle partage avec le steampunk un ADN de résistance.
Parce que sa critique sociale passe par le corps reconstruit.
Parce qu’elle montre, sans fioritures, comment la technologie peut aliéner ou libérer.
Hors-Cadre accueille ces récits-là : ceux qui n’ont pas d’engrenages mais posent les même questions que le Steampunk et le rétrofuturisme.
📚 À lire si tu aimes :
- Lady Mechanika (l’autre femme augmentée, version néo-victorienne)
- Androïdes (même éditeur, même approche modulaire)
- Ghost in the Shell (référence absolue du genre)
- Transmetropolitan (Warren Ellis, pour la critique techno-sociale)
- Descender (Jeff Lemire, pour le regard poétique sur l’humanité artificielle)
