Avec ce dernier roman paru chez les Editions Mnémos, Raphaël Albert nous emmène une dernière fois à Panam où tout n’est que ruines et désolation, pour tirer Sylvo de sa rêverie afin qu’il participe à sa plus grande enquête et trouver la rédemption. Chapeau bas pour cette tétralogie qui termine le cycles des aventures de l’elfe détective dans un Paris uchronique.
Résumé :
Perdu dans les brumes de l’opium du lotus et du souvenir, Sylvo Sylvain pensait que tout était fini. Il se trompait.
Dans un Panam dévasté par la guerre civile, Pix et Le Bras viennent le tirer de la fumerie où il s’était réfugié car la nouvelle Médiane, celle qui lui est si précieuse, celle qui pourrait sauver la Forêt, a été enlevée. Toujours-Verte a un besoin vital de lui.
Dans ce quatrième et dernier volume des Extraordinaires & fantastiques enquêtes de Sylvo Sylvain, détective privé, Sylvo et ses amis vont devoir affronter des armées, des criminels, les éléments, des magiciens, des créatures abominables mais surtout… leur passé pour accomplir leur quête, sauver Panam et la Forêt et peut-être, enfin, trouver la paix avec eux-mêmes.
Notre avis :
Sept ans après la parution de Rue Farfadet, Raphaël Albert vient clore le cycle de Sylvo Sylvain oscillant entre polar, urban fantasy et steampunk avec un quatrième tome dont le titre, « De Bois et de Ruines » apporte déjà des indices sur l’intrigue à venir.
En effet, il va être question « De Bois » avec Toujours verte, la forêt d’où vient Sylvo qui fait appel à lui pour retrouver une jeune elfine.
Mais aussi « de Ruines », car depuis les rêveries d’opium dans lesquelles Sylvo s’est plongé dans le tome précédent (Confessions d’un elfe fumeur de lotus), Panam, sa ville, a subi le déluge et est tombé dans le chaos.
Mais entre la forêt et la ville, l’elfe qui n’a jamais vraiment réussi à trouver sa place, va s’efforcer de trouver son salut pour les actes qu’il a commis dans la forêt et peut-être une forme de libération…
Un mélange de polar, d’Urban Fantasy et de Steampunk
Raphaël Albert nous plonge à nouveau dans son univers si particulier où l’on retrouve un Paris uchronique appelé Panam, avec un gouvernement monarchique réparti entre quatre ducs, et un cinquième (celui des bas-fonds), un ministère de la technomagie qui réalise des expériences plus ou moins réussies, des êtres magiques mêlés aux humains avec plus ou moins d’intégration et de racisme, et des objets mécaniques qui rappellent l’univers steampunk.
Cependant, dans ce tome l’univers est complètement chamboulé : Panam a sombré dans un déluge fait d’inondations, de tremblements de terre et d’expériences magiques météorologiques désastreuses et incontrôlables. Le gouvernement ducal est en déroute après une bataille entre technomages, communards et ducaux. Un duc sur les quatre résiste malgré un renversement au profit des communards instaurant la République. Mais c’est sans compter aussi les Tristes…
Tout cela provoque de l’insécurité dans les rues, une famine et des difficultés au quotidien. On notera en passant, le gros clin d’oeil à l’Histoire de la Commune de Paris, dans le scénario.
La fine équipe de l’agence de détectives de Sylvo s’en sort plutôt bien malgré les difficultés et a dû se salir les mains et demander des faveurs pour survivre.
Ce monde autrefois si joyeux est devenu bien sombre, cruel et impitoyable. Il est devenu impossible de se fier à autrui et il faudra que l’équipe se serre les coudes pour s’en sortir et parfois cela ne sera pas suffisant.
Une course contre la montre
La mission qui est confiée à Sylvo et pour laquelle Pixel le Pillywiggin le tire de sa rêverie d’opiacées est de la plus grande importance : il s’agit de retrouver la nouvelle Médiane, l’elfine qui fait le lien entre les elfes et la Nature à Toujours Verte. Privée de son intermédiaire, la forêt se meurt et des dissensions, déjà présentes entre les différents peuples elfes, ont tendance à se durcir.
L’elfine, en plus d’être la Médiane, se trouve être la fille de Fraxinelle, une jeune elfe dont Sylvo était amoureux autrefois… et dont il serait le père.
Il n’en faut pas plus pour que l’elfe se mette en marche. Pour réparer ses erreurs réalisées à Toujours Verte et qui ont valu son bannissement, il se met en quête de sa fille, enlevée pour alimenter un bordel de la ville par d’autres elfes peu scrupuleux.
Raphaël Albert nous plonge à nouveau dans une enquête comme dans les tomes précédents mais avec un rythme plus haletant et un parcours parsemé de nombreuses embûches liées à un univers chaotique et à des rencontres improbables.
Et des rencontres, il y en aura, créant de nombreuses sous-intrigues à l’enquête principale : la rencontre d’une sirène maintenue par un lien magique dans un bordel, une plongée dans le repaire du cinquième duc en lien avec le passé du Géomètre, un troll aux intentions presque bonnes, des géants d’eau, des vouivres menaçantes, des ombres collantes, des lutins qui en veulent à la peau de Sylvo, un dragon sous une colline, une incursion dans le Cabinet du Mirifique du Professeur Nicéphore Onésime Berlupin avec ses inventions farfelues et le retour de Mélios, un elfe plus humain que les autres avec qui Sylvo a eu des démêlés dans le passé.
Des personnages en quête de rédemption…ou de vengeance.
Avec ce dernier tome, l’auteur referme la boucle en permettant à certains de ses personnages de trouver un salut grâce à leurs actions ou à la quête qu’ils entreprennent.
On a parlé de Sylvo et de son envie de réparer le tort qu’il a causé à Toujours Verte, mais il est aussi question de personnages plus secondaires.
Ainsi, le Géomètre dévoile un pan de son passé auprès du cinquième Duc, un tortionnaire fou qui menait des expériences sur différentes espèces pour le plaisir. Le Géomètre s’était enfui mais, obligé de retourner vers celui qui lui a apporté la faculté de se mouvoir comme un insecte, il marche vers son destin : tuer son tortionnaire ou être tué.
De son côté, Mélios, l’elfe moins elfe que les autres qui faisait commerce des plantes auprès des humains et de divers trafics, s’est fané et est devenu fou pendant la rêverie de Sylvo. Il n’attend que la venue de son “ami” pour les punir tous les deux de leurs fautes passées à Toujours Verte.
Et il y a un troll…comme dans le premier tome mais pas présent pour les mêmes raisons.
Mélancolie et style Baudelairien
Autant le tome précédent (Confessions d’un elfe fumeur d’opium) se voulait être le récit d’un elfe nostalgique d’une époque révolue, apportant dans son intrigue une lenteur et un style mélancolique presque Baudelairien. Autant ce dernier opus, même s’il reprend certaines de ces caractéristiques de style, ne nous laisse pas le temps de souffler entre plusieurs actions.
Comme si nous nous étions assez reposé dans le tome précédent et qu’il était indispensable maintenant de passer à l’action.
Par conséquent, les moments d’émotions s’en trouvent altérés par moments, ce qui est un peu dommage. Ils auraient mérité d’être plus fournis. On ne prend même pas le temps d’enterrer les corps des morts au combat.
Mais la langue reste riche, et parfois teintée d’humour, l’univers très élaboré et très détaillé, presque dense. Si dense qu’on voudrait ne pas le quitter.
En conclusion : La fin d’une belle tétralogie proposant un univers très travaillé, une plume qui l’est tout autant ainsi qu’un personnage principal complexe qui ne tombe pas dans les clichés habituels du martyr mort pour racheter ses fautes.
Pour aller plus loin, on vous conseille de lire les tomes précédents, tous publiés chez les éditions Mnémos, dont nous avons déjà réalisé la chronique :