Dans l’ombre de Paris, Morgan of Glencoe, éditions ActuSF

Et si vous arrêtiez de suivre la voie que l’on a tracée pour vous ?

 

Résumé : Lorsque la princesse Yuri reçoit une lettre de son père lui enjoignant de quitter le Japon pour le rejoindre, elle s’empresse d’obéir. Mais à son arrivée, elle découvre avec stupeur qu’elle a été promise à l’héritier du trône de France ! Dès lors, sa vie semble toute tracée… jusqu’à ce qu’une femme lui propose un choix : rester et devenir ce que la société attend d’elle ou partir avec cette seule promesse : « on vous trouvera, et on vous aidera. » 
Et si ce « on » était la dernière personne que Yuri pouvait imaginer ? » 

Informations complémentaires : 

ISBN : 978-2-36629-475-0

Prix : 17.90 euros

Nombre de pages : 456 pages

 

Notre avis : 

 

Un roman d’apprentissage féminin original

 

Le roman se présente dans la collection Young Adult des éditions ActuSF : Naos, et pour cause ! Il va être question ici de l’évolution d’un personnage féminin, celui de la Princesse Yuri.

Yuri est une jeune aristocrate japonaise élevée dans le but d’être mariée à un riche prétendant dans un monde qui ne comprend plus que quatre pays : La France (et tout le reste de l’europe), le Japon et Badgad formant une Triade politique. Keltia, le royaume des fées a été écarté du pouvoir 20 ans auparavant à la suite d’un attentat perpétré par les fées pour faire valoir leurs droits. 

Yuri ne sait pas cuisiner, coudre, se battre, mais elle a appris à regarder et apprendre, connaît les règles de l’étiquette, quelles tenues porter pour quelle occasion, et surtout la géopolitique de son univers.

Sa fuite face au mariage imposé par son père, va lui faire découvrir le mode de vie des basses classes sociales et surtout celui des renégats à travers les Rats, peuple souterrain magique et criminel de Paris, mené par Lord Longway. Elle va apprendre à se débrouiller seule, à ouvrir son esprit jusque là conformiste envers la société qui l’entoure, et se faire une amie réelle en la personne de Bran, une fée combattante et barde, chose impossible à la Cour Impériale empreinte de faux-semblants.

A travers Yuri, c’est tout le système patriarcal et pétri de contraintes de l’aristocratie qui nous est montré, avec l’imposition d’un mari, la retenue imposée aux femmes et leur aspect décoratif. Le personnage le plus représentatif de cette injustice est celui de Gabrielle de France, la Reine, qui subit les violences conjugales de son mari au vu et su de tous.

A l’opposé, les basses classes et surtout l’univers des fées est proposé comme une alternative libératoire, même si elle ne se fait pas sans heurts.

Morgan of Glencoe sait rendre originale cette héroïne car contrairement à un roman d’apprentissage classique, la jeune fille n’évolue pas en tombant amoureuse, mais en prenant sa vie en main. La fin du roman, très inattendue conduit à ce résultat. 

 

Keltia : un royaume symbole de liberté

 

Keltia, peuple de fées, bardes et autres créatures magiques, basé originellement en Ecosse, n’a plus sa place dans l’univers politique auprès des autres pays. Cela nous est annoncé dès le départ dans le premier chapitre, avec la rencontre de Bran et Yuri dans les arènes combattantes. Les fées sont considérées comme des animaux féroces, indignes d’avoir des qualités humaines.

Au fil des pages, on découvre peu à peu les raisons qui ont poussés les autres pays à lui tourner le dos : principalement parce que Keltia bouleversait l’ordre établi. A travers ce pays imaginaire, l’auteure apporte de nombreux questionnements intéressants sur notre propre société sur trois aspects principaux :

Au niveau politique, les nobles de Keltia sont désignés par le peuple et non par un droit héréditaire. C’est une charge qui incombe aux meilleurs d’entre eux. Nous en avons l’exemple avec Sir Longway, responsable des Rats qui veille sur eux comme un père dans cette micro-société keltienne.

Au niveau personnel et amoureux, l’homosexualité pour les humains de Keltia est naturelle et respectée. Lors des mariages, le plus jeune prend le nom du plus mature dans le couple et ils peuvent adopter des enfants, ce qui n’est pas le cas dans les trois autres pays où l’homosexualité est vue comme une maladie.

Au niveau de l’identité, les fées n’ont pas vraiment de genre. C’est ce que Bran explique à Yuri concernant son petit frère/soeur ainsi qu’elle-même. L’auteure ouvre ici un questionnement sur l’identité sexuelle et le genre dans notre propre société.

Et surtout, au niveau sociétal, les fées sont égales entre elles, ce qui remet en question le système de hiérarchisation imposé par les autres pays, le statut imposé aux femmes … et fragilise leurs valeurs.

On sent que Morgan of Glencoe a pris beaucoup de plaisir à créer l’univers de Keltia au vu des questionnements qu’il suscite, mais aussi à travers le langage des fées (anglais plus ou moins déformé) et la personnalité forte de ses personnages.

 

Un roman steampunk ?

 

L’univers est complexe et ressemble plutôt à une uchronie mêlant futurisme sur des accessoires, XVIIIème siècle dans son fonctionnement politique, et magie avec l’univers de Keltia.

Toutefois, on note quelques éléments steampunk dont principalement le train des Fourmis, une entité indépendante des quatre pays, qui sillonne cet univers et recueille quiconque (humain ou fée) veut en faire partie s’il travaille dur et adhère aux valeurs du train. Son capitaine est d’ailleurs une femme noble ayant fui un mariage arrangé, écho du futur de Yuri.

En conclusion : Si vous souhaitez lire un roman d’apprentissage uchronique centré sur un personnage féminin fort et empreint de questionnements sur notre société, ce récit est fait pour vous. Et en plus, il y a des fées badass dedans !