Oneiroi est une toute jeune structure qui se présent comme une « Maison d’édition Steampunk ». En fallait-il plus pour que notre intérêt soit titillé ? À l’occasion du lancement de son financement participatif sur ulule, nous avons rencontré Camille Ragot, la directrice littéraire et fondatrice des Éditions Oneiroi.
Pourrais-tu te présenter ? Que veut dire Oneiroi ? D’où vient ce nom ?
Je suis Camille Ragot, jeune éditrice bretonne basée à Guingamp. Après des études de droit, d’art et de lettres, je me suis spécialisée dans l’édition avec un master pro Métiers de l’édition à Strasbourg. J’ai décidé de créer ma propre maison afin de travailler dans le secteur de l’imaginaire et de garder une certaine liberté de choix artistique quant à la ligne éditoriale.
Oneiroi est un mot grec, issu de la mythologie. C’est le nom que les grecs de l’Antiquité donnaient aux mille dieux des songes, du sommeil et des rêves. Les plus connus d’entre eux sont Morphée, Iscélos et Phantasmos.
Dans un univers de plus en plus numérique, comment se lance-t-on aujourd’hui dans une maison d’édition papier ? Comment passe-t-on de passionnée à actrice de l’univers du livre ?
Comme je l’ai dit plus haut, je suis formée professionnellement à l’édition. J’ai choisi d’intégrer ma passion à mon projet professionnel car, quand on y réfléchit bien, on passe beaucoup de temps au travail. Il est important pour moi de faire un travail que j’aime. Quand on est passionné par ce que l’on fait, on s’implique davantage et le résultat final est de meilleure qualité. Ma passion du livre est celle du livre papier, de l’objet. Dans ce monde numérique, tout va très vite, on veut tout, tout de suite, c’est parfois usant. Avec un livre, on est obligé de lâcher son écran, d’attendre pour connaître la fin de l’histoire. Ça demande un effort mais apporte plus de satisfaction lorsqu’on referme son livre. Le papier fait appel à plusieurs sens : la vue bien sûr (mais le numérique aussi), le toucher et l’odorat. J’aime ces trois aspects dans le livre papier. Et je pense que je ne suis pas la seule. Alors je fais le pari que le livre numérique ne prendra pas le dessus sur le livre papier. ^^
Tu présentes Oneiroi comme une maison d’édition Steampunk ? C’est quoi une maison d’édition Steampunk ? D’ailleurs, quelle serait ta définition du Steampunk ? Comment exprime-t-on le -punk en littérature ?
L’axe principal de ma ligne éditoriale est en effet le steapunk. À côté, nous publions aussi du polar d’imaginaire et de la fantasy. Toutefois, j’ai décidé de donner une identité Steampunk très marquée à la maison afin de me distinguer dans la foule de petites maisons d’édition françaises. Avec une esthétique pareille, c’eut été dommage de passer à côté. 😉
Je pense qu’il ne faut pas oublier l’aspect punk justement. Je le vois comme un genre qui donne la parole aux laissés pour compte, aux marginaux, qui véhicule des valeurs fortes, qu’elles soient sociales, politiques, philosophiques ou autres. C’est pourquoi je souhaite que ma maison soit en cohérence avec cette vision : Oneiroi est une entreprise
engagée, avec des valeurs comme le respect (de l’environnement, des auteurs, des partenaires, etc), le partage, la bienveillance…
Fatalement, le punk en littérature s’exprime par ce biais de l’engagement. Ma première anthologie a d’ailleurs été pensée dans ce sens. En choisissant le thème de l’écologie, je souhaite amener le lecteur à s’interroger sur le monde d’aujourd’hui.
Pourrais-tu nous présenter les collections et les ouvrages prévus ? Quels sont les premiers auteurs en lice ? Quelles sont tes envies en tant qu’éditrice ?
La maison comprend trois collections :
- Vapeur&Mécanique : comme son nom l’indique, il s’agit de celle dédiée au Steampunk. On y trouvera des romans et des nouvelles, notamment une anthologie annuelle avec seulement quatre auteurs.
- Enquêtes Fantastiques : celle-ci est spécialisée dans le polar d’imaginaire. J’adore les romans policiers et le mélange avec les codes de la SFFF me plaît beaucoup.
- Voyages Oniriques : cette dernière est consacrée à la fantasy, un genre qui a une place spéciale dans mon cœur de lectrice puisque c’est celui qui m’a amenée dans l’imaginaire.
Pour nos premiers romans, nous proposons deux jeunes auteurs, Michèle Devernay qui signe son premier roman court de fantasy urbaine dans un Paris du XIX e siècle envahi par une brume mystérieuse et meurtrière, et Norman Jangot qui nous invite à suivre les pas d’Elias, jeune homme obsédé par sa santé, dans un thriller de science-fiction aux allures de Black Mirror.
J’ai envie de partager avec mes lecteurs des textes qui incitent à s’interroger sur le monde, la vie, la politique, qui donnent à réfléchir, qui aiguise la curiosité tout en faisant rêver et s’émerveiller.
L’une des premières anthologie est une collection Steampunk pourrait-on en savoir plus ? Quels sont les auteurs, les thématiques, la volonté éditoriale derrière cette anthologie ?
La première anthologie a pour thème Écologie et folie technologique. Elle contient quatre nouvelles assez longues signées par Francis Jr Brenet, Emmanuel Chastellière, Romain d’Huissier et Audrey Pleynet.
Chacun a abordé le sujet sous un angle différent, ce qui rend l’anthologie d’autant plus riche. Francis s’est inspiré d’Existenz, le film de Cronenberg, mêlant l’organique et le mécanique dans un monde transformé, déformé par l’industrie. Emmanuel a choisi de parler de la cause animale tout en nous ramenant à sa cité lunaire, Célestopol. Romain a pris le parti de l’équilibre en basant sa nouvelle sur les règles du fengshui chinois. Enfin, Audrey fait le parallèle entre beauté humaine et beauté naturelle, interrogeant sur la définition même de ce mot.
L’objectif de cet ouvrage est de proposer au public un livre de découverte du Steampunk, un genre encore peu connu en France, à un prix abordable (9,90€), regroupant des auteurs aux styles très différents les uns des autres et aux points de vue variés.
As tu quelques romans steampunk à conseiller?
Mon coup de cœur français va à Célestopol, d’Emmanuel Chastellière. Ce n’est pas un roman mais un recueil de nouvelles qui se lit comme tel. Les personnages principaux sont la ville elle-même et le duc qui la dirige. Célestopol est une cité lunaire, riche du sélénium, nouvelle source d’énergie de la Terre. On y croise des personnages assombris par leur passé, mystérieux, parfois violents, avec ce petit grain de folie qui
germe en chacun des habitants de Célestopol…
As tu quelques conseils à ceux qui veulent se lancer dans l'écriture ou dans l’édition ?
Je n’écris pas moi-même, pas facile de donner des conseils. ^^
Le blog de Lionel Davoust est certainement plus approprié.
Pour ceux qui cherchent un éditeur, en revanche, je conseille de bien prêter attention à la ligne éditoriale de la maison à laquelle vous voulez soumettre un manuscrit. Il m’est souvent arrivé de recevoir des textes sans lien avec ce que je publie, c’est donc un refus
automatique. Du temps qui aurait pu être gagné d’un côté comme de l’autre en se renseignant mieux. Si vous ne trouvez pas les informations en amont, il ne faut pas hésiter à poser des questions directement auprès de la maison (en général, on ne mord pas, en tout cas, pas chez Oneiroi ^^).
Et surtout, bien relire et faire relire son texte, le corriger. Soyez patient pour les réponses, on est souvent submergé par les manuscrits et on reste des êtres humains avec seulement 24h dans une journée, une famille et un besoin en sommeil. ^^
Pour se lancer dans l’édition, il faut être persévérant. C’est une création d’entreprise comme une autre, ça demande du temps, de l’investissement, de l’apprentissage. Cela implique d’avoir des moments d’euphorie et d’autres de découragement, de rencontrer des difficultés plus ou moins compliqués à surmonter. Bref, ce n’est pas une route facile mais c’est ce qui fait le challenge et nous rend d’autant plus fier du chemin parcouru.
Il faut savoir bien s’entourer, ne pas s’isoler, ne pas avoir peur de demander conseil, de reconnaître ses lacunes car c’est ainsi qu’on les comble, savoir déléguer quand on atteint les limites de nos compétences. Et surtout, il ne faut pas perdre de vue ce qui nous motivait au départ. 🙂