La machine de Léandre, Alex Evans

Quand magie et sciences s’allient pour nous proposer un divertissement bourré d’action et d’humour.

 

Résumé : Constance Agdal, excentrique professeur de sciences magiques, n’aspire qu’à une chose : se consacrer à ses recherches et oublier son passé. Malheureusement, son collègue disparaît alors qu’il travaillait sur une machine légendaire. La jeune femme le remplace au pied levé et fait la connaissance de Philidor Magnus, un inventeur aussi séduisant qu’énigmatique. Bientôt, une redoutable tueuse et un excentrique et un richissime industriel s’intéressent à ses travaux, sans oublier son assistant qui multiplie les maladresses et un incube envahissant…

Retrouvez ce livre dans le catalogue des éditions ActuSF.

 

 

 

Notre avis :

 

Un bon divertissement 

La plume de l’auteur est fluide et l’intrigue pleine de rebondissements.

On trouve dans ce roman beaucoup d’humour avec des personnages secondaires sortis de nulle part comme cet incube qui cherche à se régénérer …. en voulant coucher avec l’héroïne peu portée sur la chose,  ce qui donne lieu à quelques passages hilarants.

Quelques effets Gaston Lagaffe de la part de Constance,  intelligente mais pas émotionnellement évoluée et surtout très naïve, viennent compléter le tableau.

Le roman se lit d’une traite, ce qui change des sagas longues comme le bras. Personnellement, je l’ai lu en deux jours.

 

Constance, une héroïne malgré elle

On s’attache vite à Constance qui se retrouve embarquée dans une drôle d’aventure !

Comme dans les autres romans de Alex Evans, on est confrontés à une héroïne principale avec un lourd passé et qui tente de se faire une place dans un monde d’hommes.

Ici, l’auteure a poussé le bouchon en nous proposant une héroïne très laide mais très intelligente, qui a renoncé à l’amour pour se concentrer sur son travail. Bien sûr, elle va évoluer tout au long de l’intrigue et s’équilibrer à travers cette aventure, à la manière des romans d’apprentissage féminins habituels.

Pour ajouter une touche originale, l’auteure apporte une réflexion sur la double identité du personnage.

Issue d’un milieu modeste, Tourmayeur, ancien bastion de magie aujourd’hui en ruines et radicalisé anti-magie, elle a fui avec sa famille pour la Grande Courbe, bastion scientifique afin d’y trouver une vie meilleure après un exode terrible. Et elle a réussi à se construire une vie professionnelle plus qu’honorable malgré ses origines et son genre en tant que Professeur de magie. A travers Constance, c’est Tourmayeur et La Grande Courbe qui sont réunis, entre ses origines liées à la magie, et son esprit scientifique. 

Ce clin d’oeil à une intégration réussie se pose comme un modèle comparé à notre société actuelle, même si l’héroïne manque de maturité émotionnelle. On notera toutefois une certaine forme de racisme à son égard quand elle évoque ses origines devant les autres. Ce même racisme est  présent aussi et surtout envers les méralais, autre population qui a su préserver la magie, avec le personnage d’Hamilcar.

 

Magie, steampunk et réflexion sur l’industrialisation

On ne peut pas parler de roman steampunk à part entière chez Alex Evans. Elle apporte plutôt une manière scientifique de considérer un univers essentiellement magique et situe son action dans une Belle Epoque inventée. C’était déjà le cas dans ses deux derniers romans du même univers : Sorcières et associées et L’échiquier de Jade mettant en scène deux détectives privées féminines avec des dons magiques.

Son originalité tient au fait d’avoir créé un univers ayant connu la magie, qui a ensuite disparu pour revenir, sans crier gare et de manière imprévisible. Pendant la période sans magie, les humains ont dû s’adapter et c’est là que les machines ont vu le jour ainsi qu’une religion anti-magie plutôt radicale.

Le fait que la magie soit devenue quelque chose d’incontrôlable mais aussi l’objet d’une étude scientifique apporte une touche d’originalité, comparé aux autres récits gaslamp fantasy que l’on peut trouver habituellement comme Les enchantements d’Ambremer de Pierre Pevel, ou Les enquêtes de Sylvo Sylvain, Elfe détective de Raphaël Albert.

Son récit a pour point central la création d’une machine à magie censée remplacer les hommes dans leurs tâches pénibles comme la production de diverses pièces en usine. On voit là une réflexion sur un univers uchronique où l’on peut faire usage de la magie à travers la science pour le bien commun… ou pas.

En effet, que faire de tous ces travailleurs privés de leur source de revenus par la suite ? Est-ce que cette machine ne va pas bouleverser le fonctionnement économique de cet univers ? Autant de questions plutôt actuelles qui nous font réfléchir et rappellent la réflexion autour de l’industrialisation déjà présente dans les romans d’Emile Zola.

Quant à la construction même de cette machine, elle reste discutable du point de vue éthique quand on apprend par la suite quel est son composant essentiel…

Par ailleurs, la magie perd un peu de son attrait… magique en étant appelée « Fluide » et considérée un peu plus de manière scientifique. Les rituels et formules sont montrés comme les éléments d’une recette scientifique pour canaliser l’énergie déjà présente. Et cet état de fait est accentué par la présence de « chamanes » qui ont le « don » de magie, don qui se paye par une sorte de transe dans laquelle le chamane voit son envie sexuelle décuplée et la nécessité d’un temps de repos pour reprendre ses esprits. Cet état, proche de la folie va beaucoup perturber les personnages possédant ce don, qui le voient plutôt comme une forme de malédiction.

Sur un autre registre, les créatures magiques seraient des espèces existant dans des dimensions parallèles, invoquées par les chamanes via des portails temporels, ce qui renforce l’idée d’une magie « scientifique ».

 

En bonus : une nouvelle inédite incluse intitulée La chasseuse de livres !

Le roman inclut une nouvelle de l’auteur issue du même univers où l’on va suivre les traces de la princesse Cassandra Galata, intellectuelle traductrice vieux grimoires en lien avec la première histoire, et surtout brûlante de partir sur le terrain afin de découvrir des reliques magiques.

La jeune fille (qui n’est autre que la réceptionniste du cabinet de Sorcières et Associées), va se faire embaucher par une vieille harpie afin de retrouver un grimoire légendaire dans une partie de l’univers assez dangereuse. Cependant, elle n’est pas la seule sur le coup, dont son cousin Quintus qui la déteste, ainsi que d’autres chasseurs de reliques magiques aux desseins peu scrupuleux. 

L’auteur nous dévoile un peu plus l’histoire des Tourmayens et des reliques magiques à travers cette histoire, sous couvert de la découverte d’une nouvelle héroïne, aussi naïve que charmante.

Aventures et amourettes sont au rendez-vous dans cette petite nouvelle de 30 pages à la fin plutôt rigolote.

En résumé : un divertissement à l’apparence légère, porté par des héroïnes mal dans leur peau, qui invite à de plus profondes réflexions sur l’identité et l’organisation de la société sous couvert de magie et de sciences.