Vous le savez, chez French Steampunk, on a eu un gros coup de coeur pour « Le Château des étoiles », dont la première saison a été publiée sous forme de 3 gazettes. La sortie de l’intégrale de la saison 1 ainsi qu’une version collector a poussé Lord Orkan von Deck a poser quelques questions à Alex Alice, auteur-illustrateur de la série.
FSP : Bonjour Alex Alice, merci à toi de répondre aux questions de French-Steampunk. Peux-tu raconter en quelques mots à nos lecteurs qui tu es, ce que tu as fait, ce que tu fais et ce que tu feras ?
A.A : Je raconte des histoires avec des dessins depuis quelque temps. J’ai terminé deux séries de bandes dessinées, “Le Troisième testament” et “Siegfried”, j’en écris une troisième avec Thimothée Montaigne au dessin (“Le Troisième testament : Julius”). Je suis aussi passionné par l’animation. Mon nouvel univers s’appelle “Le Château des étoiles”.
FSP : Dans Le château des étoiles, série publiée chez Rue de Sèvres et dont nous avons maintes fois parlé sur ce site web, tu reprends les codes du roman scientifique et d’aventure à la Jules Verne auxquels tu additionnes la poésie et le fantastique du dessin à la Miyazaki. Comment as-tu abordé ce mélange des genres (tant graphique que scénaristique) ? Quelle a été ta motivation pour t’attaquer à un ton et une esthétique qu’on pourrait qualifier de steampunk ?
A.A : Je revendique bien sûr les références que tu mentionnes, il y en a d’autres – H.G. Wells pour le merveilleux scientifique, Camille Flammarion pour une vision très poétique de l’astronomie du XIXe siècle, le mangaka Leiji Matsumoto pour le romantisme spatial… Ce sont pour la plupart des influences qui m’accompagnent depuis longtemps, et que j’avais envie de retrouver autour d’un projet. J’ai longtemps cherché une idée autour de la conquête de l’espace au XIXe siècle, une sorte de prolongement logique à “De la Terre à la Lune” de Jules Verne, qui m’avait beaucoup frustré quand je l’ai lu enfant… Je voulais retrouver cette atmosphère, pour le visuel bien sûr, les hauts-de-forme, le design industriel, mais aussi et surtout l’esprit pionnier de l’époque, le positivisme triomphant, la foi dans le progrès qui allait tout résoudre. Et puis il y a un autre aspect de cette époque qui me passionne et auquel j’ai quasiment consacré une de mes histoires (“Siegfried”) : le romantisme échevelé, la redécouverte des mythes et leur glorification par l’art l’architecture, la musique, l’opéra… Je suis fasciné par le personnage de Louis II de Bavière, le soit-disant “roi fou”, mécène visionnaire de Richard Wagner et constructeur d’improbables châteaux de contes de fées. Ce personnage était l’élément qui manquait dans mon récit de merveilleux scientifique : un visionnaire, un héros plus grand que nature par qui l’aventure arrive. Au confluent de la science et du rêve, il y a “Le Château des étoiles”.
FSP : Le château des étoiles est une BD familiale et grand public, et pourtant elle traite d’une Histoire complexe sans sombrer dans la caricature : la situation géopolitique de l’Allemagne, le désengagement de Ludwig II et sa prétendue folie, son rapport à sa cousine et encore la pression de la Prusse sur la Bavière, etc. Était-ce difficile de superposer à ce décorum historique ton aventure fantastique ?
A.A : C’était important pour moi : je voulais qu’on entre dans cet univers avec les personnages, en partant avec eux d’une réalité historique crédible et documentée. Le fait qu’on découvre la possibilité du vol spatial à cette époque précise, avec ces puissances en place, l’empire français, la Prusse montante, donne un poids particulier à tout ce qui va se passer ensuite. Les enjeux dépassent largement les protagonistes du récit, mais nous les découvrons à travers le regard du jeune héros. C’est ma manière de tenter de proposer un univers riche sans perdre le lecteur quel que soit on âge ou sa connaissance de cette période fascinante.
FSP : La publication de ta bande dessinée sous format « feuilleton » a été remarquée pour sa qualité et son jusqu’au-boutisme. A moins de 3€ l’épisode, c’est un gros pari qu’a joué là ton éditeur. Quels ont été les retours ; le feuilleton est-il toujours économiquement viable ?
A.A : La “gazette” du château des étoiles, qui présente l’histoire sous forme de feuilleton à suivre en trois livraisons, a fait partie du projet depuis le départ. Ça n’est pas une première, Tardi l’avait déjà fait avec justement Nadia Gibert, mon éditrice du temps où elle travaillait chez Casterman. C’est parfait pour cet univers. Je voulais vraiment pousser la maquette et le look de l’objet, en même temps que les articles qui enrichissent l’univers. L’éditeur a joué le jeu. Alex Nikolavitch, qui écrit les textes des articles, et Benjamin Brard, qui assure la maquette, ont fait un travail remarquable, je suis content que ce “jusqu’au-boutisme” se sente ! Il s’agit pour l’éditeur et pour moi de se faire plaisir et de proposer une expérience “papier” unique, d’enrichir l’univers, de donner envie de découvrir le récit. Mais je ne sais pas si l’aventure aurait été viable si nous ne sortions pas aussi un album plus classique. Attention, je dis “plus classique”, mais là aussi un effort de fabrication a été fait aussi bien en termes de maquette que de papier, de matières… J’en laisse la surprise à ceux qui ne l’ont pas encore eu en main !
FSP : Celles et ceux qui se sont jetés sur le Château des étoiles trépignent d’impatience de découvrir la deuxième saison, prévue pour mai 2015. Peux-tu nous dire ce qui attend le roi de Bavière, les Dulac et leurs amis ? Est-ce le début d’une aventure de science-fiction ?
A.A : Je suis en plein travail sur la suite, pour lequel j’ai un synopsis détaillé depuis le début. Je dialogue, je découpe, je profite des nouvelles idées qui me sont venues au fil de la fréquentation de mes personnages… Dans la tradition du feuilleton, j’ai voulu donner un petit aperçu de la suite du récit sur la dernière page de l’album – l’appareil spatial échoué dans une plaine couverte de cratères, à la lueur des étoiles, avec quelque chose d’immense en arrière plan… je pense que les lecteurs pourront se faire une idée de ce qui attend nos héros, pour le reste je préfère les surprendre le moment venu !
FSP : Merci pour tes réponses. Tu as maintenant carte blanche pour t’adresser à tes lecteurs, aux geeks fans d’histoires captivantes et aux vaporistes amateurs de voyages fantastiques .
A.A : Bon, si tu insistes, j’ai bien envie de prêcher un peu — même si j’imagine que, comme moi, vous avez nourri vos rêves de vos lectures et que je vais prêcher à des convertis. Le livre est au même prix partout, alors soutenez votre libraire ! Une librairie qui ferme c’est triste, une ville sans librairies ça n’est pas beau à voir
Interview réalisé par Lord Orkan Von Deck