La Bible Steampunk – Interview de Selena Chambers

Interview de Selena Chambers, co-auteure de « The Steampunk Bible »,
mené par Arthur Morgan, traduit par Oriane G., pour le Journal de French Steampunk

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P
ouvez-vous vous présenter ?
Mon nom est Selena Chambers. Je suis co-auteure de La Bible Steampunk. En plus de cela, j’écris de la fiction, de la non-fiction, de la poésie, et je suis rédactrice senior de non-fiction pour le magazine Strange Horizons. Je suis également une spécialiste indépendante d’Edgar Allan Poe et de divers mouvements littéraires et artistiques du dix-neuvième siècle.

Quelle serait votre définition du Steampunk ?
Permettez-moi de tricher et de vous en donner deux. La première est ma définition générale du Seampunk, qui est: un mouvement rétro-futuriste qui s’inspire de la technologie du dix-neuvième siècle et de l’esthétique de Jules Verne et de H.G.Wells. La seconde est plus personnelle et poétique: le Steampunk est un théâtre artistique aux diverses scènes sur lesquelles l’imagination peut s’accomplir.

Pouvez-vous me dire pourquoi vous vouliez écrire un tel livre ? Comment cela a-t-il commencé ?
Quand je suis arrivée, Jeff l’avait déjà vendu. Il avait alors besoin d’un assistant de recherche. Il savait que j’avais des connaissances en Histoire de l’Art, ainsi qu’en art et littérature du dix-neuvième siècle, et que j’étais impliquée dans la science-fiction et la fantasy, alors il a pensé que j’aimerais travailler sur un livre concernant un mouvement culturel inspiré du dix-neuvième siècle. Il avait raison, je suis tombée amoureuse de ce mouvement. Rapidement, mes recherches sont devenues des écrits et avant que je ne m’en rende compte, nous étions en train d’écrire ensemble ce magnifique ouvrage.

Comment avez-vous réuni tous les matériaux pour la Bible ?
Ce fut un long processus. Pendant environ trois mois, nous avons passé des annonces pour trouver des gens qui nous soumettent leur vision du Steampunk (c’est ainsi que j’ai rencontré French Steampunk). Pendant ce temps, nous avons obtenu une vision claire des acteurs et des agitateurs au sein du Steampunk, des gens qui étaient là depuis les débuts, ou étaient des icônes du mouvement, comme Jake Von Slatt. Nous avons mené des interviews, des recherches sur l’histoire et les origines de divers aspects du steampunk, puis nous avons commencé à écrire. En tout et pour tout, Jeff et moi avons travaillé à peu près un an et demi sur ce livre.

Comment avez-vous fait le tri dans toutes les ressources que vous aviez réunies ?
Nous avions déjà le squelette du livre, et au fur et à mesure que les informations rentraient, nous trouvions comment les insérer dans le tableau d’ensemble. Certaines choses correspondaient, d’autres pas. Il y avait aussi d’autres ressources qui, elles, étaient de complètes surprises. Le livre avait environ 155 pages de textes, et c’était loin d’être suffisant pour y faire rentrer toute « l’Histoire du Steampunk ». C’est la raison pour laquelle nous avons l’intention d’utiliser notre site internet The Steampunk Bible, Volume 2.0 (www.steampunkbible.com) comme lieu de présentation de tout le matériel que nous n’avons pas pu intégrer: des interviews, des ressources latérales et des exclusivités de personnes au sein de la communauté, comme Josh Pfieffer des Vernian Process.

Comment était-ce de travailler avec ces légendes du Steampunk (Von Slatt, Nevins, Falksen) ? Aviez-vous les mêmes opinions sur le Steampunk ?
C’était incroyable ! Ils étaient touts si brillants et faisaient des choses tellement incroyables ! J’ai trouvé cette expérience vraiment stimulante intellectuellement, surtout quand j’ai commencé à voyager et à rencontrer ces légendes en personne.
Dans l’ensemble, je pense que nous partageons tous une vision commune du Steampunk, mais chaque personne apporte son empreinte, et j’ai trouvé que Von Slatt, Nevins et Falksen avaient tous trois leur unique approche de ce mouvement, basée sur leurs intérêts et leur expérience.

Quelle est votre œuvre steampunk préférée ? Et pour quelle raison ?
Il se passe tellement de choses dans l’art Steampunk qu’il est impossible de n’avoir qu’une pièce préférée. J’aime vraiment Insect Labs de Mike Libby, qui sont de magnifiques insectes ressuscités à l’aide de pièces mécaniques [http://www.insectlabstudio.com/?item/291]. J’ai eu la chance de les voir en vrai, et elles sont à couper le souffle car les insectes sont si petits, et les aspects mécaniques si naturels, qu’il faut du temps pour croire ce que l’on voit.
En ce moment,  mon autre oeuvre préférée est « Les Historiettes de M. Sandalette » par AnxiØgene et Futuravapeur. J’adore l’idée du Roman Graphique Daguerréotype, l’imagerie et les histoires que ces historiettes racontent. Il s’agit du multimédia Steampunk à son apogée.

Il existe peu de Steampunk non occidental. Pourquoi donc ?
Je dirais qu’il n’y a pas eu beaucoup de Steampunk occidental jusqu’à présent. A cause de ces racines Victoriennes, le Steampunk avait tendance à être « Anglo-centré ». Mais depuis cinq ans,  plusieurs personnes de part et d’autre du monde ont travaillé à changer cela. Aux États-Unis, nous avons Av-Leen le Peacemaker, qui écrit et édite le blog multiculturel Steampunk Beyond Victoriana, et au Canada, nous avons Jaymee Goh qui écrit et édite Silver Goggles. Ces deux femmes s’inspirent de leur propre héritage Oriental (Av-Leen est Vietnamienne et Jaymee, Malaisienne) pour instaurer au sein de la culture Steampunk un dialogue sur l’Impérialisme, l’Orientalisme, et montrer à quoi ressemblait ou aurait pu ressembler l’industrie en dehors de la norme Européenne.
En plus d’Av-Leen et de Jaymee, il existe également le travail de l’artiste Chinois James Ng, qui peint une Chine historique alternative qui montre à quoi le pays aurait pu ressembler ou ce qu’il aurait pu produire s’il avait été au centre de la Révolution Industrielle. Il y a également le Steampunk Musulman qui emmène le Steampunk au-delà des confins du dix-neuvième siècle et joue avec la science pré-moderne Islamique du douzième siècle. Si on revient du côté Occidental, mais hors cadre Victorien, il y a le Steampunk Brésilien avec Fabio Fernandes et Romeu Martins, qui non seulement mettent leur empreinte Brésilienne dans leur écriture Steampunk, mais s’intéressent aussi aux travailleurs et aux héros oubliés de l’histoire du dix-neuvième siècle.
Et ceux-là ne sont qu’un échantillon de toutes les personnes et les groupes qui travaillent dans une tradition non-occidentale.

Pensez-vous qu’il y ait une différence entre le Steampunk Européen et le Steampunk Américain?
L’inspiration du Steampunk est l’Histoire. Les Histoires Américaine et Européenne diffèrent dans leurs évènements, et modèlent ainsi, chacune, différemment, cette inspiration.
Je crois qu’il y a une différence entre les Steampunk Européen et Américain, mais elle est subtile.

Selena, j’ai lu sur i09 que vous aimiez le Steampunk Français. Considérez-vous qu’il a ses propres caractéristiques ?
J’adore le Steampunk Français ! Je crois qu’il a ses propres caractéristiques dans le sens qu’il opère hors de la tradition artistique Française d’origine.  Non seulement le Steampunk Français descend directement de Jules Verne, mais il semble aussi prendre sa source dans les mouvements de la fin du dix-neuvième siècle et du début du vingtième siècle – le Symbolisme,  les Dada et le Surréalisme (également les mouvements artistiques que je préfère). Je retrouve au sein des artistes Steampunk Français, des aspects de ces trois mouvements. Par exemple, il y a dans le travail de Futuravapeur et d’AnxiØgene, le même esprit ludique et le même humour qui soulignent le Dadaïsme et le Symbolisme. Dans les peintures de Sam Van Olffen, j’y trouve la même incubation, les mêmes ambiances mystiques que dans Gustave Moreau, mais mélangées aux associations psychologiques de Magritte et de Dali, et de pair avec l’obsession Dadaïste pour la mécanique.
Quelques créations et images parmi les plus inoubliables sont en train d’émerger du Steampunk Français, et j’ai vraiment hâte d’en voir plus et d’en apprendre d’avantage lorsque je serai sur Paris.

Pour citer l’introduction de la Bible, pensez-vous que le mouvement Steampunk atteigne aujourd’hui sa masse critique ? Qu’il continuera en tant que genre ou sous-culture ?
Je pense que le Steampunk est en route pour devenir un style à part entière. De nos jours, les peintres ont le choix entre de nombreux styles: ils peuvent tenter de s’exprimer au travers des coups de pinceaux de l’Impressionnisme, ou ils peuvent le faire au travers de l’esthétique Steampunk. Je crois que cela sera également le cas en littérature – Les écrivains s’assiéront et diront: « Quel style correspondrait le mieux à l’histoire que j’essaie de raconter ? » et il se peut que leur réponse soit « Cela doit se situer dans la veine Steampunk. »

Comment expliquez-vous l’engouement pour le Steampunk ?
Je crois qu’aujourd’hui, les gens cherchent une alternative à notre monde. Nous sommes las qu’on nous serve les choses sur un plateau – nous voulons savoir pourquoi et comment les choses fonctionnent. Et le Steampunk nous permet de le faire – de manière plus ou moins flagrante. Il encourage les participants à apprendre, à questionner, à expérimenter, à être créatifs, et, surtout, à prendre plaisir et à être superbe tout en le faisant. Je crois que cela devient attirant pour les gens.

La sous-culture Steampunk devient peu à peu un courant dominant. Cela signifie-t-il que nous perdons le côté punk ? Le Do it Yourself ?

C’est une question difficile. A l’heure actuelle, je ne crois pas qu’il y ait une menace majeure de perdre le punk et le Do it Yourself, mais je sais que la communauté a commencé à s’en inquiéter. A bien y regarder, je pense qu’il y aurait quelques bénéfices à devenir un courant plus officiel, dans le sens que le Do it Yourself aurait la chance de changer la vision des gens sur l’environnement et le style de vie moderne. Si le Steampunk devenait tendance, cela signifierait qu’il ouvrirait les portes d’un nouveau monde aux gens qui ne pensent pas normalement aux questions que le Steampunk soulève. Et offrir de nouvelles perspectives aux mentalités, n’est-ce pas la beauté et l’ambition mêmes de l’art ?

Le Steampunk est-il une fuite du réel ou une nostalgie ?
Il est très facile d’idéaliser le passé – nous rêvons tous avec nostalgie d’un passé que nous n’avons jamais connu, ou d’un présent plus simple – mais cela peut rapidement devenir irréaliste car si nous retournions effectivement à cette époque, nous trouverions un siècle rempli d’oppressions et des questions encore plus complexes et pas si différentes de celles que nous essayons de fuir aujourd’hui. Mais le Steampunk est conscient de cette menace et travaille vraiment à confronter ces divers aspects de l’évasion. Ainsi, je ne dirais pas que le Steampunk est nostalgique ou complètement détaché du réel, bien que ces deux éléments y soient présents.

On assiste à un changement dans la motivation des fans de Steampunk, qui passent moins par la littérature que par l’esthétique. Voyez-vous une révolution dans le Steampunk, du fait que ce genre conduit par la littérature devienne aujourd’hui un genre dirigé par les apparences ? Cela va-t-il affecter le genre ?
En fait, je crois que c’est tout le contraire qui est en train de se passer. Aux États-Unis, du moins, il y a eu une renaissance de la littérature Steampunk.  A l’époque où Ann et Jeff VanderMeer ont publié leur anthologie Steampunk, les gens s’intéressaient moins à la littérature Steampunk qu’à l’esthétique: les costumes et les jeux de rôle lors des conventions, etc… Mais quand cette anthologie est sortie, ils ont été confrontés aux écrivains d’origine, comme James Blaylock et ils ont accroché. Cherie Priest et Gail Carringer ont amorcé leur mainmise sur le monde de la littérature SF, et le temps que VanderMeer sorte son Steampunk Reloaded avec de nouvelles prises sur le sujet, les gens dévoraient tout ce sur quoi ils pouvaient mettre la main. Donc, je crois bel et bien que la littérature est devenue une part essentielle de l’éducation Steampunk.

Comment imaginez-vous le futur du Steampunk ?
A mon avis, l’avenir du Steampunk repose sur deux choses. Tout d’abord, il y a tous ces mouvements internationaux, comme les Steampunk Français et Brésilien, qui insufflent une vie et des idées nouvelles dans le mouvement. La seconde chose est l’éthique Do it Yourself qui n’a jamais quitté le Steampunk grâce à des gens comme Margaret Killjoy, et qui atteint son apogée avec Green Punk qui, lui, promeut des changements de styles de vie actuels vers une existence encore plus autosuffisante. Mais peu importe la direction qu’il prendra, le Steampunk, j’en suis persuadée, a un beau futur devant lui. Je crois que nous commençons à peine à voir son potentiel, et beaucoup d’autres choses sont à venir.

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"Le Cuivre, ça brille, c'est tellement beau !" Créateur de French-Steampunk.fr, Arthur Morgan explore le Steampunk depuis plus de 20 ans ! Il est notamment le co-auteur de l'ouvrage Le Guide Steampunk. Retrouvez-le également sur son podcast "La Minute de Monsieur Morgan".