Un battement d’aile de papillon : Loïc Malnati utiliser le steampunk pour interroger la conscience

Loïc Manalti - Un Battement d'aile de papillon

Loïc Malnati, auteur-dessinateur publié aux Éditions Paquet, propose avec « Un battement d’aile de papillon » une histoire steampunk à rebours des récits de gloire technologique. Ici, les redingotes habillent des pantins décadents et la mécanique ne sauve plus rien. Ce monde, miné par la jalousie, la manipulation et la violence, interroge la place du vivant face à l’automatisation. Un récit dense, qui préfère le trouble moral à l’émerveillement.

Loïc Malnati - Dédicace Festival international de la bande dessinée Angoulême

Nature vs mécanique : un clivage fondamental

Deux visions irréconciliables

L’intrigue repose sur une fracture idéologique forte :

  • Les pro-organiques, partisans du vivant, de la nature et de l’imperfection.
  • Les pro-mécaniques, tenants du contrôle absolu, de l’efficacité et du calcul.

C’est dans ce contexte que deux scientifiques cherchent à comprendre l’origine du mal à travers le cœur d’un pantin tueur en série. La violence est-elle mécanique ou biologique ? L’IA peut-elle avoir une conscience… ou une responsabilité ?

L’humour comme soupape

Malgré une atmosphère pesante, l’auteur glisse quelques clins d’œil bien sentis. Un appel téléphonique adressé par erreur à un « Mécadentiste » rappelle, par son ton absurde, la boucherie Sanzot dans Tintin. Plus loin, un prisonnier muselé évoque clairement Hannibal Lecter, en version steampunk. Ces touches apportent une respiration au récit et introduisent un second degré et une certaine finesse.

Un certain Sartre, pas si innocent

L’un des personnages se nomme Sartre et joue un délateur dans cette cité décomposée. Ce choix n’est pas anodin. Malnati pose grâce à ce personnage une question acide : à quoi sert la pensée si elle ne s’engage pas ? Dans un monde mécanique, l’inaction intellectuelle devient-elle complice du chaos ambiant ?

Un style graphique loin de l’acier poli

Visuellement, Malnati prend aussi ses distances avec l’imagerie steampunk classique. Loin du chrome et des rouages lustrés, son univers rétro, industriel est souvent rugueux. Les corps et les machines portent les traces d’une usure presque organique, comme une mécanique en souffrance. Pourtant, les couleurs vives viennent rompre cette noirceur : elles symbolisent la nature, l’espoir, et la possibilité d’un renouveau. On navigue entre un réalisme sombre à la Cronenberg et une ouverture plus lumineuse, loin du merveilleux technologique de Jules Verne. Un contraste qui renforce la tension du récit.

Notre avis :

Globalement, Un battement d’aile de papillon nous a plu : l’univers est dense, la critique sociale bien construite, et les partis pris graphiques originaux. L’opposition entre nature et mécanique donne lieu à des scènes marquantes, à la fois visuelles et philosophiques. On a aussi apprécié l’humour discret, bien dosé.

Un léger bémol cependant : la première transition entre les insectes évoqués au début et l’univers des pantins manque de clarté. Un fil plus net aurait facilité l’entrée dans le récit. Mais ce flottement initial ne gâche pas la suite, bien au contraire, il incite à relire, à chercher, à interpréter.

A propos de Franckyfreak 72 Articles
Président d'honneur et co-fondateur de l'association French Steampunk