French Steampunk a rencontré Geneviève de « The Maxi Monster Music Show » autour de leur nouveau spectacle mis en scène par Juliette.
French Steampunk : Commençons par la question la plus triviale, probablement souvent entendue : Vu du côté des artistes, comment définir l’actuel spectacle du Maxi Monster Music Show (MMMS) ? Mélange de concert, de théâtre, d’humour, comment ses auteurs qualifieraient-ils cette créature de Frankenstein ?
The Maxi Monster Music Show : Comme la musique est cœur du projet, on dira que c’est un concert spectaculaire où les musiciens sont des phénomènes de foire du XIXème siècle. Le bonimenteur est une femme à barbe qui mène sa petite troupe dans un train d’enfer… Chaque morceau est construit comme un sketch qui pourrait se suffire à lui-même, mais c’est aussi un fragment qui, associé à d’autres fragments, compose les aventures de la troupe. Un peu comme une série télé, on retrouve les mêmes protagonistes avec un thème musical « le Jingle Show » qui est notre « générique », notre marque de fabrique sonore…
FS : Sur ce même sujet, quel serait le genre représenté par le MMMS, sans pour autant chercher à trop ranger dans des cases ? Le terme de « cabaret » revient souvent pour en désigner l’ambiance, et pour ma part, c’est celui « d’opérette » qui me vient à l’esprit pour désigner la forme. Qu’en dirait les créateurs ?
MMMS : Nous essayons de créer une nouvelle forme de spectacle et nous nous sentons libre d’explorer toutes les possibilités de formes et de styles pour servir notre propos.
Un mélange hybride d’inspirations musicales et esthétiques. Sans volonté d’exactitude historique, nous explorons notre imaginaire pour créer une parenthèse spatio-temporelle d’1 heure 30 qui oscille entre le second empire et les années 30. Mais parfois aussi nous intégrons des éléments très rock’n’roll typique des années 50. Nous aimons la collusion et l’anachronisme dans la musique, les dialogues ou les décors et costumes…
Nous jouons avec les codes convenus du spectacle, nous recyclons… C’est un pied de nez à la norme actuelle des spectacles archi formatés… Nous sommes heureux de la diversité des gens qui composent notre public !
C’est également un hommage aux artistes de la rue, aux gens du voyage…
FS : Le MMMS est bien sûr très référencé en ambiances et en thèmes. On pense naturellement à Freaks de Tod Browning, souvent mentionné comme origine du projet, à Elephant Man de David Lynch ; on ressent l’ombre d’artistes tels que Tom Waits ou la vague post-punk… Pour ne mentionner que les plus évidents ! Quelles en seraient les principales inspirations ?
MMMS : Le cinéma noir et blanc, la littérature fantastique du XIXème, les B-movie des années 50, le burlesque, la Belle Époque, les années 20 à 30, le cabaret expressionniste mais aussi des séries TV comme Carnival ou le Muppet Show… L’univers poétique de Burton et Chaplin ou Jeunet et Caro… Les livres Les Monstres de Martin Monestier et De la femme à barbe à l’homme-canon de Stéphane Pajot.
FS : Depuis quelques temps maintenant, on assiste, dans le monde du spectacle – au sens large – à un renouveau de certains thèmes esthétiques : ambiances Belle Époque, victorienne/édouardienne, steampunk et dérivés, cabaret burlesque, etc.
MMMS : Le MMMS est-il issu de ce regain actuel ? Si cela a un sens, quelle serait la position, ou le sentiment, de ses membres vis-à-vis des créations scéniques ou festives issues de ces mouvements ?
Nous avons débuté ce projet en 2007 et avons fait de belles rencontres avec des artistes de la mouvance burlesque et des arts de la rue. En 2010 au Comic Con (Japan Expo) nous avons participé avec la Cie Vatra et l’association French Steampunk au premier stand steampunk avec une installation de tableau vivant créé par la plasticienne Julie Guehria. Nous nous sentons proche du mouvement steampunk qui recycle sans complexe les genres avec une démarche esthétique dont nous apprécions l’élégance et la créativité… Nous aimons particulièrement le mouvement gothique romantique et victorien, l’atmosphère de la Belle Époque mais aussi la rouille, les objets superbement manufacturés qui ont vécus, l’exotisme et l’orientalisme, le mélange de science et de science fiction… La fête foraine est un univers steampunk par excellence, c’était le lieu où le public pouvait découvrir les dernier progrès technologiques (photo, radio, téléphone, cinéma…), du sensationnel (phénomènes humains et animaux sauvages), des grandes mécaniques avec les manèges… Le domaine du merveilleux !
FS : Plus généralement, en tant que troupe d’artistes, quelles possibilités ou quelles inspirations ces thèmes (expositions de monstres, cabarets tamisés, ambiances surannées du XIXe et début du XXe siècle) permettent ou apportent-ils ?
MMMS : C’est un univers onirique et fantasmagorique, où la poésie côtoie le burlesque… Inquiétant, sensuel, bizarre mais où l’humour gagne toujours à la fin !
Un miroir déformant… Pour se voir autrement, s’observer avec un autre point de vue différent… Poser un nouveau regard…
Vous laisserez-vous séduire par notre femme à barbe ?
FS : Il est d’usage de chercher par tous les moyens possibles un sens à une œuvre artistique. Sacrifions donc à l’usage : quel serait le propos, le discours majeur du spectacle du Maxi Monster Music Show ? Éloge de l’altérité ? Apologie de la vie d’artiste ? Fantaisie sur l’illusion et la charlatanerie ? Ou plus prosaïquement, humour pour l’humour et poésie pour la poésie ?
MMMS : Le monstre est une thématique très exploitée dans l’univers du rock (ça serait drôle de faire la liste des morceaux pour faire un karaoké monster !).
Nous aimons les ambiances oniriques, explorer nos peurs enfantines… Notre univers peut être très joyeux et drôle ou au contraire très noir et grinçant, parfois aussi assez coquin mais jamais graveleux, il y a plusieurs niveaux de lecture et d’interprétation. Nous posons certaines questions sur le monde qui nous entoure, sur l’exclusion et la norme… Quelle est la part d’ombre et de lumière en chacun de nous ? C’est à chacun de faire un voyage introspectif et intime, nous ne donnons pas de leçon… C’est aussi une allégorie sur le monde du spectacle où il faut plaire à tout prix…
FS : Chacun des sept membres du Maxi Monster Music Show a, je crois, créé son personnage. Peux tu dire un mot sur celui que tu interprètes, Miss Gabrielle, la femme-tronc, et comment est-elle née ?
Le spectacle pourrait-il seulement exister sans ces personnages derrière lesquels se fardent les interprètes ?
MMMS : Le casting s’est imposé à nous très vite et la distribution des rôles n’a pas été difficile ! Nous avions déjà quatorze ans de route au sein du Maximum Kouette. Nous avons chacun cherché notre « clown », notre « monstre », notre « jumeau maléfique ». La thématique des phénomènes de foire est souvent utilisée dans le burlesque, pour nous démarquer nous avons beaucoup travaillé la psychologie des personnages comme dans une série télé ou une pièce de théâtre. On peut imaginer leur vie en dehors du cabaret…
Miss Gabrielle est une femme objet qui vit dans la nostalgie d’un passé supposé grandiose… Je me suis inspirée des « cocottes » de la Belle Époque mais aussi d’actrices comme Yvonne Printemps, Jacqueline Maillant, Alice Sapritch, la danseuse Isadora Duncan et Florence Foster Jenkins, une riche cantatrice américaine célèbre pour son incapacité à chanter avec justesse mais qui galvanisait les foules… C’est un personnage nostalgique de la Côte d’Azur des années folles, des casinos, des palaces…
FS : Le show du MMMS crée déjà, à lui seul, une alchimie de différentes expressions artistiques, musique et théâtre en premier lieu. On a pu voir, avec l’initiative de mettre en place un atelier Dr. Sketchy, les possibilités qu’offre le mariage d’un tel spectacle avec d’autres types de médias. Ce mélange des genres est-il essentiel à l’esprit du spectacle, et te paraît-il aller de soi ?
MMMS : J’avais posé dans le personnage de Miss Gabrielle pour la cession steampunk il y a deux ans et c’est comme ça que j’ai noué contact avec cette équipe d’artistes et stylistes incroyables. J’avais très envie que les autres membres du groupe fassent aussi cette expérience et nous en avons eu l’occasion à l’Alhambra. Nous recherchons les collaborations qui nous permettent de sortir de notre cadre habituel de musiciens… Notre chanteuse dessine également, mais pour une fois, elle était de l’autre côté du miroir ! C’est toujours la magie de la rencontre qui déclenche une collaboration !
FS : Enfin, parlons malgré tout d’aspects plus pragmatiques du spectacle : pourrais-tu dire un mot sur les évolutions qu’il a pu connaître au cours de son existence ?
MMMS : C’est une créature en perpétuelle évolution… Nous aimerions travailler une formule complètement acoustique pour jouer dans la rue… Faire un film !
Dans nos rêves les plus fous nous embarquons à bord d’une caravane burlesque et steampunk pour sillonner les routes du monde avec d’autres artistes…
FS : Et pour finir : de nouveaux enregistrements en perspective ?
MMMS : L’album sortira le 10 septembre chez tous les bons disquaires (Life Live / Musicast), pour patienter il est possible de se procurer l’EP 5 titres tout l’été après le spectacle à l’Alhambra où nous sommes programmés jusqu’au 28 septembre.
Et qui sait ? Un DVD ?
Écrit par Aymeric Langlois
TEASER Maxi Monster Music Show à l’ Alhambra par RaymondButorStudios