Lady Mechanika – Tome 09 : Le Diable du lac, ou la fuite en avant steampunk

Lady Mechanika - Le diable du lac

« On ne fuit pas son passé, on fuit seulement vers lui. »

Avec Le Diable du lac, Lady Mechanika s’enfuit en Sibérie pour échapper aux révélations qui la hantent. Mais dans ces étendues glacées, c’est un autre monstre qui l’attend : un dragon, dit-on, tapis au fond d’un lac maudit. Paru le 27 août 2025 chez Glénat, ce neuvième tome de la série steampunk culte de Joe Benitez est un paradoxe à lui seul : une aventure flamboyante qui tourne à vide, une quête d’oubli qui ne fait que creuser les questions. Et si le vrai Diable, finalement, n’était pas dans le lac, mais dans le reflet brisé de son propre visage mécanique ?

Lady Mechanika – Tome 09 : Le Diable du lac

La Sibérie, dernier refuge ou piège sans issue ?

Lady Mechanika n’est plus à une contradiction près. Héroïne steampunk au corps mi-chair, mi-machine, elle a passé huit tomes à chercher la vérité sur ses origines. Cette fois, elle choisit la fuite. Direction la Sibérie, terre de glace et de légendes, où le froid pourrait engourdir ses souvenirs. Mais les vieux démons ne gèlent pas si facilement. Dès les premières pages, le ton est donné : on est loin du Londres victorien enfumé, place à des steppes infinies, des villages perdus et un lac aux eaux noires, où un dragon serait tapi. Un décor de conte slave revisité à la sauce mécanique, entre Baba Yaga et 20 000 lieues sous les mers.

Pourtant, derrière l’aventure – une chasse au monstre classique, presque « jeunesse » par moments – perce une mélancolie tenace. Mechanika fuit, mais vers quoi ? Le scénario, adapté d’un arc de quatre comics parus en 2024, peine à masquer son manque de révélations. Comme le note BD Gest, ce tome fait office de « pause narrative », un amuse-gueule en attendant (peut-être) un dixième opus plus consistant. Le problème ? Dans une série aussi centrée sur les mystères de son héroïne, une pause ressemble étrangement à une panne d’inspiration.

Lady Mechanika, Le Diable du lac : un équilibre instable

Ce qui sauve Le Diable du lac, c’est Mechanika elle-même. Tour à tour cynique, vulnérable puis déterminée, elle incarne une modernité surprenante pour une série ancrée dans le XIXe siècle. Ses dialogues, ses regards en coin, ses silences en disent long sur ce qu’elle refuse d’affronter. Joe Benitez, même en retrait du dessin, signe des scènes où chaque case semble respirer l’ennui existentiel de son personnage. Quand elle affronte le froid sibérien, c’est aussi son propre cœur mécanique qu’elle met à l’épreuve.

Les seconds rôles – chasseurs locaux, scientifiques excentriques – apportent une touche d’humour et de folie, mais peinent à combler le vide laissé par l’absence de progrès dans l’intrigue principale. On en vient à se demander : et si ce tome n’était qu’une longue métaphore de l’épuisement créatif ?

Lady Mechanika, Le Diable du lac : le steampunk à l’épreuve du blanc

Graphiquement, la Sibérie est une réussite. Les paysages enneigés, les machines à vapeur rouillées, les reflets dorés sur la glace : tout concourt à créer une atmosphère à la fois épique et intime. Les planches les plus belles sont celles où Mechanika, seule face à l’immensité, semble réaliser l’absurdité de sa quête. Le trait, précis et élégant, rappelle les gravures anciennes, tandis que les couleurs froides (bleus glaciers, blancs aveuglants) contrastent avec les rouilles et les cuivres de son armure. Un hommage visuel aux explorateurs du Grand Nord, mais aussi une plongée dans l’inconscient d’une héroïne qui se cherche.

Pourtant, certains choix détonnent. Des séquences fantaisistes, presque légères, tranchent avec le ton habituel de la série. Un parti pris risqué : séduira-t-il les nouveaux lecteurs, ou décevra-t-il les fans des premiers tomes, plus sombres et plus ambitieux ?

Pourquoi Lady Mechanika, Le Diable du lac résonne-t-il aujourd’hui ?

À l’ère des héros brisés et des quêtes identitaires, Lady Mechanika reste une figure fascinante. Son refus d’être réduite à son passé parle à une génération obsédée par l’auto-analysé et les traumatismes. Mais Le Diable du lac pose une question plus large : jusqu’où peut-on fuir avant de se retrouver face à soi-même ?

La réponse, peut-être, est dans le lac. Ce dragon que tout le monde craint, et personne n’a vu, n’est-il pas le symbole parfait des démons intérieurs ? Dans un monde où la technologie promet de tout expliquer, Mechanika rappelle qu’il reste des zones d’ombre. Des lacs sans fond. Des questions sans réponses.

Verdict : un tome de transition, mais pas seulement

« Le Diable du lac » n’est ni un chef-d’œuvre ni un échec. C’est un tome de transition, certes, mais qui a le mérite de poser les bonnes questions, même s’il ne les résout pas. Une parenthèse glacée, aussi belle que frustrante, qui laisse présager un retour en force… ou un déclin annoncé.

TitreLady Mechanika – Tome 09 : Le Diable du lac
AuteurJoe Benitez (scénario et co-scénario avec M.M.)
ÉditeurGlénat (collection Glénat Comics)
Pagination112 pages
Prix15,50 €
Date de sortie27 août 2025
GenreSteampunk, aventure, fantastique

Lady Mechanika – Tome 09

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Président d'honneur et co-fondateur de l'association French Steampunk