Présentation de l’éditeur :
À Panam, le Paris à la fois steampunk et fantasy imaginé par Raphaël Albert, Sylvo Sylvain, le fameux elfe détective privé, est en proie au spleen. Dans une fumerie de lotus, hébété, allongé sur une natte usée, de pipe en pipe, il se perd dans les souvenirs de son enfance…
La Grande Forêt des Elfes se déploie, cruelle et merveilleuse et, dans la fumée épaisse du lotus, l’existence féérique de son peuple reprend vie. L’avenir, croyait Sylvo à cette époque, était tracé comme la hampe d’une flèche : il serait le prochain champion de la Grande Forêt.
Mais le sort prendra une toute autre tournure. Face à son destin, Sylvo deviendra son pire ennemi…
Confessions d’un elfe fumeur de lotus s’inscrit dans la série truculente des Aventures extraordinaires et fantastiques de Sylvo Sylvain de Raphaël Albert. Comme les précédents, cet opus se lit indépendamment. Il en raconte l’origine et en prolonge l’aventure.
Avec ce titre, Raphaël Albert prouve, une nouvelle fois, sa belle palette de conteur. Il l’enrichit d’une nouvelle teinte, intime et nostalgique, particulièrement touchante et qui fera vibrer les lectrices et les lecteurs.
Notre avis :
Le titre éloquent de ce roman, à mi-chemin entre les Confessions d’un mangeur d’opium de Thomas de Quincey et celles d’un automate mangeur d’opium de Fabrice Colin et Mathieu Gaborit, nous renvoie à la situation finale du roman précédant : Déprimé, au bout du rouleau, Sylvo se laisse aller dans une fumerie de lotus (drogue semblable à l’opium) dans laquelle il se laisse partir à petit feu en revivant ses jeunes années d’elfe de la forêt, loin de la civilisation des hommes, du progrès et de l’air vicié de Paname. Les lecteurs savaient que Sylvo était un elfe renégat, exilé de sa forêt natale « Toujours-verte » pour un crime impardonnable dont on n’avais jamais connu la teneur. Ce troisième roman revient donc sur le passé mystérieux du personnage, sur sa rencontre avec le Pillywigin Pixel, son histoire d’amour avec Fraxinelle, son amitié avec Mélios. L’histoire que le lecteur découvre au rythme des souvenirs d’un elfe drogué dans les salles d’une fumerie de Paname nous raconte comment Sylvo est né, est devenu le Champion des siens , Servant de la forêt, avant de devenir un criminel exilé.
Ce roman prend certaines formes du roman d’apprentissage, on voit un elfe naître et s’adapter au fur et à mesure des saisons à la culture et aux traditions des elfes de sa forêt, une société qu’on pourrait comparer aux Naavis du film Avatar ou encore aux cultures amérindiennes. Cet aspect du livre est particulièrement interessant, quoi que parfois assez délicat à cerner. Concernant l’écriture, elle est particulièrement travaillée, bien que souvent difficilement abordable. La plume de Raphaëlle Albert est plus contemplative et intimiste que jamais, si bien que l’histoire de Sylvo Sylvain prend parfois des airs de prose poétique qui se démarquent d’autres passages. De ce point de vue là, on se rapproche un peu de l’écriture inimitable de Mathieu Gaborit (dont on vous recommande la lecture de Bohème). Pourtant certains passages sont beaucoup plus terre-à-terre, et le lecteur devra parfois affronter certaines longueurs un brin ennuyeuses pour mériter des scènes d’actions bien senties, des instants d’émotions fortes (et généralement très tristes) ou encore des révélations fracassantes. En parlant de révélation, celle que les lecteurs attendent arrive vraiment à la toute fin avec fracas comme la chute tragique d’un héros. Alors que l’on attend que ça, savoir « mais qu’a-t’il bien pu faire de si terrible », Raphaël Albert parvient à nous choquer avec un crime auquel on ne se serait pas attendu. Une scène vraiment déstabilisante qui explique pourquoi Sylvo Sylvain a quitté le monde des elfes pour celui des hommes et qui cultive la part sombre du héros.
Vous l’aurez compris, ce troisième opus de la série ne traite pas du tout de steampunk et perd tout l’humour et les références historiques qui abondaient dans les deux précédents livres. Néanmoins, cette « suite » ou « prequel » offre de par ses notes mystiques et crépusculaires un vent de fraicheur et d’expérimentation littéraire qui ravira certains comme elle rebutera les autres. Un roman qui confronte donc les charmes d’une écriture travaillée aux écueuils d’un récit fastidieux. S’il n’est pas nécessaire d’avoir lu les précédents ouvrages, il est surement essentiel que le lecteur soit suffisamment attaché au personnage de Sylvo Sylvain pour savoir apprécier à sa juste valeur ce texte. C’est une lecture difficile qui l’attend, mais ses efforts seront récompensés.