Il existe un homme passionné qui redonne vie à nos amis insectes en leur apportant éclat et beauté. Par petites touches, à l’aide d’engrenages, il propose une nouvelle version de l’entomologie pour les amoureux des cabinets de curiosités tout comme les passionnés de beaux objets.
French Steampunk est parti à la rencontre de…L’Insectarium Mécanique.
FSP : Qui se cache derrière L’Insectarium Mécanique? Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
IS : Je m’appelle Ralph alias Rupin Green, j’ai 34 ans et j’habite dans une petite ville alsacienne proche de Colmar. Je suis passionné par le monde des insectes, du fantastique en général, de reconstitution médiévale (le XVème siècle en particulier), de musique et de danse.
FSP : Quel est votre parcours et celui de l’Insectarium mécanique ?
IS : Tout jeune déjà, j’explorais ma campagne alsacienne en quête de trésors… Je collectionnais toutes sortes d’insectes, de reptiles, de batraciens, de végétaux… Au plus grand désespoir de ma mère d’ailleurs !
A 17 ans, j’ai quitté mon petit cocon vert pour la ville où je suis devenu actif dans diverses entreprises de production de masse. En parallèle, j’élevais toutes sortes de phasmes, de mygales et de reptiles dans mon petit appartement.
Un jour, au détour d’une bourse aux reptiles à Strasbourg, je suis tombé sur un passionné qui m’a donné envie de commencer l’entomologie. Je me suis donc renseigné comment faire, le matériel indispensable pour débuter et pour le reste j’ai appris en autodidacte.
Ensuite, quelques années après, celui qui m’a donné cette idée de mécanisation, c’est Mathias Malzieu avec l’album de son groupe Dionysos La Mécanique du cœur .
Les êtres vivants sont une sorte de « machine organique » et comme je commençais à maîtriser l’entomologie, cette idée de mécanique remplaçant les organes d’un être vivant a fait son chemin et je me suis mis à concevoir des insectes à rouages qui dans l’imaginaire des gens, pourraient fonctionner.
Pour finir, c’est la personne avec qui je partage ma vie actuellement qui m’a poussé à montrer mes créations aux gens. C’est comme ça que L’Insectarium Mécanique a vu le jour !
FSP : Vos pièces sont dignes d’un cabinet de curiosité imaginaire. Avez-vous une passion pour les cabinets de curiosités ? En possédez-vous un ?
IS : Oui j’aime beaucoup les cabinets de curiosités ! En fait l’appartement dans lequel je vis est un peu un cabinet de curiosités géant!
Il y a pleins de choses qui viennent de partout ! Des vieilles photos de familles, des vieux meubles retapés, des aquariums et des vivariums, des tableaux, des cloches avec des insectes, des ex-votos, des fioles remplies de végétaux, de vieux objets réhabilités ou non…Du contemporain, de l’ancien, du vivant, du mort…
J’aime avoir pleins de choses différentes et de toutes les époques autour de moi.
FSP : Où trouvez-vous votre inspiration ? Avez-vous des artistes de prédilection ?
IS : Je n’ai pas besoin d’aller loin ! Le monde des insectes est tout simplement passionnant de ce côté-là! Couleurs éclatantes, parades amoureuses incroyables, mimétisme, mécanisme de défense et d’attaque, formes improbables, j’en passe et des meilleures ! En regardant les insectes et la nature en général, je me dis souvent que l’homme n’a pas inventé grand-chose.
Avec le boum de l’univers Steampunk, j’ai commencé à me renseigner et je suis tombé sur les travaux de Mike Libby. Je me suis dit « c’est ça que je veux faire ! ». Au départ, je collais simplement les rouages sur les insectes sans trop de logique et puis à force de pratique, je me suis rendu compte que je passais parfois jusqu’à 8 heures sur un insecte pour faire quelque chose de complexe en accord avec le spécimen en question.
L’univers de Jules Verne et les croquis de Léonard De Vinci m’inspirent énormément ! J’aurais adoré être leur disciple dans une vie passée.
Les Miyazaki comptent beaucoup, tout comme Tim Burton, HR Giger, etc, etc…
La musique m’inspire également beaucoup. Ou en tout cas stimule ma créativité… Comme mes insectes viennent de contrées lointaines pour la plupart, j’aime énormément écouter de la musique ethnique quand je travaille (Dayazell, Ensemble Faran, Wardruna, Le Trio Joubran, Kaunan, Sowula…)
Sinon, l’inspiration me vient en parcourant la toile, dans les films et séries, sur les manifestations, en échangeant avec les gens… Je suis en quête constante d’inspiration, malheureusement c’est le temps qui me manque pour réaliser toutes les idées que j’ai en tête !
FSP : Comment concevez-vous une pièce/ création ? Quelles sont les étapes ? Matériaux ? Adoptez-vous les mêmes techniques de naturalisation que les entomologistes ?
IS : Quand je reçois un insecte il est en général sec et recroquevillé donc il faut le réhydrater pour qu’il retrouve sa souplesse. Suite à quoi je procède à « l’étalage » : cela consiste à l’ouvrir pour lui sortir les ailes, placer ses pattes en veillant à ne pas lui faire prendre une pose qui ne lui serait pas naturelle. Ensuite je place mes épingles pour le figer.
Vient finalement la période de séchage, les gros spécimens sèchent jusqu’à 1 mois voir plus dans une ambiance tempérée/chaude (la plus sèche possible) pour éviter les parasites et le développement de champignons.
Une fois totalement sec et figé, je procède à la mécanisation.
Je pars toujours de la morphologie de l’insecte sur lequel je vais travailler. Que faisait-il de son vivant ? Prédateur ou proie ? Spécificités par rapport au genre ou à l’espèce, plutôt ClockPunk, CyberPunk ou BoilerPunk… ? Et j’avise !
J’imagine l’utilité qu’il pourrait avoir dans un monde Steampunk : espionner, bâtir, se battre, être un familier, etc…
Les coléoptères sont les plus intéressants à travailler car la surface est plus grande. Du coup je peux me permettre plus de fantaisie et pousser le mécanisme plus loin.
Niveau matériaux, j’utilise des pièces détachées de montres, des fils de laiton, de cuivre, des pierres Swarowski et toutes autres pièces que pourraient coller à la mécanisation.
Pour finir, je le place dans une boite entomologique (hermétique) avec un mélange maison pour les protéger des parasites et de la moisissure.
FSP : Qui sont les heureux propriétaires de vos créations ? Diriez-vous que ce sont des fans de cabinets de curiosités et d’entomologie ?
IS : Ils viennent d’univers très différents ! J’en suis toujours très étonné d’ailleurs ! Ça passe du simple visiteur de 7 à 77 ans, au Cosplayeur, au Steamer, à l’amateur d’art ou et plus récemment à l’horloger !
Ce ne sont pas forcément des fans de cabinets de curiosités, et c’est tant mieux ! Je n’avais pas envie de toucher une certaine partie de gens, je voulais vraiment que mes insectes (qui ne bénéficient pas forcément d’une bonne réputation…) soient accessibles à tous. Le fait de les mécaniser ajoute quelque chose qui occulte la peur et j’ai souvent vu des visiteurs phobiques prendre ma loupe pour les ausculter sous toutes les coutures ! J’avoue que j’étais assez fier de moi !
J’essaye toujours de sensibiliser les gens sur l’importance des insectes dans notre écosystème. Ils ne sont pas que sur terre pour nous nuire, et en règle générale préféreront fuir au contact de l’humain. L’utilisation intempestive de pesticide détruit ce fragile équilibre et plus nous avançons, moins la nature se porte bien ! Cela peut paraître très contradictoire de tenir ce discours et en même temps proposer des insectes naturalisés dans des boîtes… Mais les spécimens avec lesquels je travaille viennent d’élevage ou de chasses régulées par les autorités des pays concernés. En aucun cas je ne présenterai des espèces protégées qui deviennent rares dans la nature.
Le seul spécimen protégé que je possède est une Cordulegastre Bidenté (une très jolie libellule assez rare) que j’ai trouvée récemment morte sur un chemin. Et celle-ci ne sera pas mécanisée !
FSP : Quel regard portez-vous sur la communauté steampunk française et étrangère ?
IS : Je ne côtoie pas trop la communauté steampunk hormis lors des manifestations, qui sont encore trop peu nombreuses à mon goût !
Par contre, de ce que j’ai pu en voir, elle me fait penser à la communauté médiéviste !
En effet, je suis danseur dans une association de danse médiévale et renaissance, et je croise toutes sortes de personnes : du GNiste qui veut donner une touche médiévale à son costume fantastique, au passionné qui va rechercher des enluminures et des sources historiques pour avoir le costume le plus correct possible, en passant par « l’historien » conservateur qui passera à la loupe chaque costume qu’il croisera, qui fera un inventaire de tout ce qui cloche et qui ne s’empêchera pas de le faire savoir !
Dans le Steam c’est un peu pareil : il y aura des gens qui mettront des rouages partout pour donner un « effet Steam », d’autres qui pousseront plus loin en imaginant un personnage, ses fonctions au sein du monde vaporiste, qui aura un costume travaillé sans que ce soit un déguisement et pour finir, les personnes « puristes » qui poussent au maximum tous les codes en vigueur au sein de la communauté.
Il est vrai que pour le médiéval, j’attache beaucoup d’importance au respect de l’Histoire et des coutumes de l’époque.
Avec le Steampunk je me considère plus comme un électron libre avec ma propre imagination. Nous sommes dans une réalité alternative que chacun peut interpréter à sa sauce avec plus ou moins de goûts !
Mon personnage s’appelle Rupin Green, il est explorateur, entomologiste et créateur de machines biomécaniques. J’ai un bras mécanique pour améliorer ma condition et m’aider lors de mes explorations mais mon personnage sera tout à fait à l’aise lors de réceptions ou de bals donnés par l’aristocratie victorienne.
FSP : De nombreux vaporistes proposent des bijoux à partir d’insectes, vous avez choisi de rester dans l’objet décoratif, pourquoi ?
IS : Ce n’est pas vraiment un choix en fait… Comme j’ai indiqué plus haut, je suis entomologiste amateur, je n’ai pas la prétention de pouvoir créer des bijoux. Et puis comme vous le dites, beaucoup de gens font déjà ce genre de choses, je voulais rester dans l’entomologie « traditionnelle » tout en alliant le courant Steam. Beaucoup de gens me demandent si ce sont des bijoux et je leur réponds que oui, mais uniquement pour les yeux et qu’ils ne se portent pas…
FSP : Auriez-vous des conseils à prodiguer à des débutants ?
IS : Ne faites pas simplement pour faire… Soyez passionnés ! La passion est le meilleur boost pour votre créativité ! Et n’oubliez pas de sensibiliser les gens à la cause du monde merveilleux des insectes. Ils sont encore trop méconnus, et font encore trop peur. Bien souvent à tort d’ailleurs !
FSP : Avez-vous une devise, un dernier mot à ajouter à cette interview ?
IS : Je terminerais avec une citation de Monsieur Léonard De Vinci :
« L’œil, appelé fenêtre de l’âme, est la principale voie par où notre intellect peut apprécier pleinement et magnifiquement l’œuvre infinie de la nature. »
Alors prenez le temps d’ouvrir les yeux, de regarder et d’apprécier le spectacle que la nature vous offre…
Quelques informations pratiques :
Vous pouvez retrouver L’Insectarium Mécanique et l’ensemble de ses créations sur sa page Facebook sur laquelle se trouvent ses actualités, dernières nouveautés et surtout événements auxquels il participe.
Dernièrement, il a participé à Anno 1900 et espère renouveler cette expérience en 2019.
Le créateur peut réserver des pièces en ligne et accepte des projets personnalisés. Il suffit pour cela de le contacter en ligne, rubrique contact sur sa page facebook.
En revanche, au vu de la fragilité des créations et par souci de satisfaire ses clients, il préfère la remise en main propre à l’envoi postal des commandes.