Pourquoi le steampunk existe-t-il encore ?
En effet, des histoires de dirigeables et de détectives vaporistes auraient pu rapidement tomber dans le stéréotype, dans le cliché, pour s’enfoncer dans les profondeurs d’une littérature de l’imaginaire qui n’a rien à dire. Or, vous le savez si vous êtes ici, le steampunk n’a cessé de revenir, sous une forme ou une autre, sur le devant de la scène.
Cette belle question a été posée à un panel de spécialistes anglo-saxons, et je vais commenter rapidement ce qu’ils ont pu dire.
Jeff VanderMeer explique une chose essentielle : le steampunk existe encore parce qu’il a été très souvent moribond ! Il a pu ainsi se développer comme une sous-culture pop extrêmement riche et variée. De plus l’internet favorise le mouvement de pollinisation du genre. Personne n’est isolé, tout le monde peut communiquer autour de sa passion, avec la facilité induite par la mise à jour de son statut sur Facebook… ou sur French steampunk !
Jeff VanderMeer pointe avec raison que ce n’est pas la littérature qui a rendu le steampunk célèbre. C’est la mode, l’artisanat, les activités de fans qui ont donné une épaisseur, pour ne pas dire une chair, au genre. Étrange steampunk, ne trouvez-vous pas ? Et cette variété des genres, qui est le miroir d’une variété de gens, ne cesse de se déployer sans qu’il soit maintenant possible d’avoir une vision cohérente de ce qui est devenu une multitude.
J’avais senti cette difficulté quand j’ai écrit Steampunk ! En effet alors que je rédigeais le livre, je voyais se constituer des groupes, j’ai été le témoin de l’apparition d’artistes qui me semblaient surgis de nulle part et dont la présence semblait bien souvent une évidence.
Jeff VanderMeer évoque finalement un aspect du steampunk dont on a moins parlé, c’est l’aspect politique du genre. Bien évidemment on ne peut pas faire du steampunk une littérature engagée. mais comme toute forme d’expression qui parle de l’homme de la société, il est, même quand il s’agit de la plus microscopique des manières, politisés. De plus, le rapport avec le passé, avec l’histoire, autrement dit la nature uchronique du genre implique un regard sur notre époque. De nature, le steampunk n’est pas de droite ou de gauche. Il est ce que l’artiste en fait.
Je partage très largement son point de vue, vous l’avez compris, en ce que pour lui comme pour moi, le steampunk n’est autre chose qu’une esthétique.
Joe R. Lansdale nous rappelle que ce n’est pas le steampunk qui est important en soi, mais bel et bien l’histoire racontée ! L’évidence doit être rappelée pour ce qu’elle est : la meilleure défense en ce qui concerne les littératures dites de l’imaginaire. N’oubliez pas qu’un livre steampunk est avant tout un livre, et qu’un bon livre steampunk est un bon livre !
Gail Carriger précise que le steampunk n’est pas resté un genre littéraire. Il suffit de regarder l’actualité de ce site pour se rendre compte du foisonnement des initiatives et leur variété. Tous les tous les arts créatifs sont touchés et contaminés. Quel que soit notre goût, nous sommes maintenant en mesure de trouver un steampunk qui nous plaise. Mazette !
Elle fait également le lien avec la politique, rattachant même le steampunk à une tendance écologiste. Elle fait le lien entre le chaos de notre époque moderne et l’évocation d’une société où tout est encore en train d’être inventé, une société victorienne policée, raffinée, élégante (ou du moins en apparence). L’idée est séduisante, mais j’ai du mal à la suivre jusqu’à son terme parce qu’elle semble déboucher sur l’idée que le steampunk serait une forme de consolation. Or je pense qu’il est avant tout une jouissance. Mais développer cette idée nous emmènera bien trop loin et je vais la ranger pour une prochaine chronique.
Ce que je retiens c’est que nous sommes en définitive dans une position aussi risquée enthousiasmante. Le steampunk popularisé, va être commercialisé. Mais à mesure que ce mouvement d’affadissement par la consommation de masse aura lieu, il donnera une plus grande lisibilité à des artistes qui nous préparent de beau retour vers le passé.
Etienne Barillier