On s’était apprêté à accueillir le messie, et voilà que lorsque que quelqu’un sonne à la porte, on ouvre pour finalement constater que c’est Roger, le voisin qui vient pour demander une énième fois que l’on coupe la haie de notre jardin.
C’est à peu près ainsi que la sortie de The Order : 1886 s’est déroulée. Depuis de nombreux mois, les vidéos et photos que le studio Ready At Dawn diffusait ont fait miroiter aux amateurs de jeux vidéos et aux steamers un futur plein d’espoir : patiemment, le public du monde entier a attendu ce qui s’annonçait être quelque chose d’aussi génialement steampunk et révolutionnaire que Bioshock Infinite. Mais les retours de la presse comme ceux des joueurs sont unanimes : C’est une énorme déception.
« Alors que tous vos amis arrivent chez vous les bras chargés de bière pour regarder tous ensemble l’intégrale du Seigneur des anneaux en version longue, vous découvrez avec stupeur que votre petite amie, lors de votre dernière engueulade, a placé des DVD de Joséphine, Ange-gardien dans les coffrets collectors de votre trilogie favorite ».
Le scénario est à la base alléchant et novateur : vous incarnez une troupe de chevaliers plutôt Badass et vous devez lutter contre une révolution de sales anarchistes ainsi qu’une menace de lycans assez peu diplomates. Cependant, l’intrigue est finalement bancale, assez linéaire, et manque de relief. Ajoutez tout de même des personnages charismatiques et intéressants, pas mal de name dropping (on est au 19ème siècle, il faut bien marquer le coup). La grande aventure tombe malgré tout à l’eau.
C’est surtout au niveau du Gameplay que ça pêche. Il s’agit d’un jeu de tir à la troisième personne relativement classique, mais le principal problème repose sur les QTE. Les Quick Time Events. Il s’agit de mini-cinématiques ponctuant l’ensemble du jeu lors desquelles le joueur doit appuyer sur un bouton comme un abruti. Selon les inrocks, ce parti-pris nuit vraiment au jeu.
Reste deux choses tout de même assez positives : Des graphismes qui sont très bien fichus, autant dans le jeu que dans les cinématiques. Mais aussi et surtout une ambiance très immersive et particulièrement travaillée. L’atmosphère sombre et pesante de Londres est bien rendue, les vaporistes apprécieront grandement cela. Pour conclure, on pourra dire qu’avec ce mode de jeu ennuyeux, cette durée de jeu très limitée, le jeu n’a d’intérêt que pour son côté steampunk, lui, réussi. Vraiment pas de quoi acheter une PS4, en somme.
Sauf que …
Sauf que Ru Weerasuriya, le fondateur du studio Ready at Dawn et créateur du jeu, ne se revendique pas du tout du steampunk. Il le dit lui même lors d’une interview accordée au nouvel observateur. Voici un court extrait dans lequel il montre bien qu’il n’a rien compris. Mais alors rien du tout.
« – Non, The Order 1886 n’est pas un jeu steampunk.
– Pourtant, on retrouve de nombreux éléments : des costumes surchargés, des dirigeables, des armes fantastiques…
– On ne peut pas se revendiquer du steampunk. La définition du genre existe depuis longtemps et il aurait été difficile de redéfinir le genre avec notre jeu. Il y a effectivement des éléments qui y font penser, mais le steampunk a un côté beaucoup plus fantastique. Nous ne voulons pas décevoir les fans qui risquent d’attendre du fantastique qu’il n’y a pas dans le jeu. Nous nous sommes basés sur ce qui existait au XIXème siècle. Pour les costumes, nous avons repris des éléments existants au XVII, XVIII et XIXème siècle. Pour les armes, nous avons utilisés des technologies déjà présentes ou des inventions qui émergeaient.
– Les lycans sont tout de même un élément fantastique…
– Oui, mais il s’avère moins fantasques que les inventions à vapeur que l’on voit dans les fictions steampunk. Le lycan nous sert à expliquer les changements biologiques des hommes. Il faut se rappeler que nous sommes à l’époque d’Elephant Man. Le lycan n’est ni un zombie, ni un loup garou. Il est plus entre l’homme et la bête, très intelligent puisqu’il parle, mais également très bestial. »
Pour rappel : Le steampunk n’a aucune définition admise. Les lycans, c’est fantastique. Le steampunk n’est pas nécessairement fantastique. Les armes de The Order sont loin d’être quasi-historiques : elles sont aussi fantasques que les inventions à vapeur dont parle le créateur du jeu. Il faut arrêter de dire des bull shits.
Bref, alors que The Order 1886 ne peut se défendre que sur son background, son univers parfaitement steampunk et son ambiance très immersive, le créateur du jeu lui-même s’emmêle les pinceaux dans des raccourcis et clichés. Ainsi, il se tire une balle dans le pied. On peut espérer que dans le cas d’une potentielle suite, les développeurs fassent un peu moins n’importe quoi et apprennent de leurs erreurs. En attendant, on se quitte sur des très belles images créées pour développer l’univers de The Order.
Si ce jeu nous a apporté quelque chose, c’est bien seulement un article fort interéssant du Monde à propos du Steampunk. Notez la présence de notre ami Etienne Barillier